mercredi 11 mars 2009

LES VERSETS DE WIKRAM SETH ENFIN TRADUITS EN FRANCAIS !


Voyageur cosmopolite et polyglotte, Vikram Seth est né en 1952 à Calcutta. Après des études d'économie en Grande-Bretagne, il a vécu en Chine et aux États-Unis. Il partage aujourd'hui sa vie entre New Delhi et Salisbury, au sud de l'Angleterre.

Son premier roman date de 1983, année où il publie From Heaven Lake ( Le Lac du ciel, éd. Grasset, 1996), journal de voyage de la Chine au Tibet. Mais la reconnaissance et le succès internationaux lui viennent en 1993 avec A Suitable Boy ( Un garçon convenable, éd. Grasset, 1995), énorme roman en partie autobiographique, comme toute son oeuvre. En 1999, paraît An Equal Music ( Quatuor, éd. Grasset, 2000), roman d'amour à la première personne au sein d'un quatuor à cordes.

NVoici les premiers versets de The Golden Gate, paru en 1986 aux États-Unis (San Francisco oblige), puis en Grande-Bretagne et en Inde. The Golden Gate est en partie autobiographique. Vikram Seth y traite « de la vie, des amours et des séparations, mais surtout de l'amour des chats », dit-il, dans la métropole californienne. Mais la grande originalité du livre est qu'il est écrit en vers, quelque six cents sonnets ! Une forme très contraignante que l'écrivain confesse avoir « volée » au Pouchkine d' Eugène Onéguine . Claro a relevé le défi de traduire ce tour de force littéraire, adaptant en toute liberté les sonnets d'origine à la métrique et à l'alexandrin français. Une « belle infidèle » qui enchante Vikram Seth, et paraîtra chez Grasset en 2008. On pourra lire, en attendant, le nouveau roman de Vikram Seth, centré autour des personnages de son oncle et de sa tante, Two Lives (Deux vies), qui paraît ce mois-ci aux éditions Albin Michel

"Afin que ce début soit vif et non pesant
Salut, ô Muse. Il était une fois, lecteur,
Un homme vivant dans les années mil neuf cent
Quatre-vingt, du nom de John, et qui avait l'heur
De réussir en tout, bien qu'il ne fût âgé
Que de vingt-six printemps, solitaire et loué ;
Un soir, alors qu'il traversait Golden Gate Park,
Un frisbee rouge qui décrivait un mauvais arc
Manqua le raccourcir. De là cette question :
" Si je viens à mourir, qui donc me pleurera ?
Qui sera triste, allons, et qui se réjouira ?
Y aura-t-il quelqu'un ? " Cette interrogation
Etant trop déprimante, il préféra passer
A des cogitations un peu moins compassées.


1.2


Se concentrant sur les circuits électroniques,
Il sentit son esprit aussitôt s'apaiser.
Mieux valait oublier les affres pathétiques
Qui font le lit de la sentimentalité.
Il pensait portes, passerelles, connexions,
A la mémoire morte, et vive, et fixe, aux ponts,
Aux mégaoctets ainsi qu'aux nanosecondes,
Aux petits bits et aux grands bus... quand soudain grondent,
Dans le ciel hérissé de pins, des escadrons
D'oiseaux qui par leur vol et leurs croassements
L'extraient de sa méditation. Bizarrement,
Il sent alors une immense lame de fond
Qui l'entraîne aussitôt au fond d'un noir abîme
Où son âme esseulée n'est plus qu'un grain infime.

1.3


John présente bien. Il met des tenues correctes.
Il s'exprime à voix basse et son esprit est sain.
Sa passion du travail est vaguement suspecte.
Un badge avec son nom est pendu à dessein
Autour de son col blanc tel un collier votif.
Il est très bien payé, ménage ses actifs,
N'oublie jamais le terme et court tous les matins,
Ne fume pas de cigarettes ni de joints,
Ou alors rarement, ne va jamais prier
Ni jamais ne s'enivre inconsidérément,
Jardine et lit, de tout, du Bede et du Mann.
(Un substitut, selon certains, à la pensée.)
Ses amis le jugent hiératique et distant.
(Son patron, toutefois, l'apprécie fortement.)

Copyright © Éditions Grasset & Fasquelle

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