lundi 9 mars 2009

LE CASTRO DE HARVEY MILK !



Réputée tolérante et ouverte, la ville de San Francisco est notamment connue pour sa communauté homosexuelle, au point qu’elle est surnommée la Patrie des homos. Oui, mais pourquoi ? Une petite histoire du « San Francisco gay » s’impose.

« Queer nation », ça vous dit quelque chose ? Si non, un voyage à San Francisco peut vous éclairer. San Francisco regroupe environ 100 000 gays et lesbiennes, soit un habitant sur sept. Avec New York, c’est la seule ville américaine à afficher une telle concentration homosexuelle. Là-bas, lorsque l’on vous parle de votre conjoint, on préfère d’ailleurs évoquer « votre partenaire » et non « votre mari ». L’auteur Armistead Maupin, célèbre icône gay, décrivait d’ailleurs San Francisco, dans ses fameuses chroniques publiées dès 1976 dans le San Francisco Chronicle comme « un lieu de compassion et de tolérance où les hétéros, dans les années 70, acceptaient plus facilement l’homosexualité que les pédés n’assumaient la leur. » En réalité, les homos n’ont pas toujours été aussi bien assimilés…

Les années de répression

Tout commence pendant la seconde guerre mondiale. Après l’attaque japonaise contre la base américaine de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, les Etats-Unis entrent en guerre et de nombreux jeunes américains se présentent en Californie pour s’enrôler dans l’armée et défendre leur pays. Seulement, tout le monde n’est le bienvenu chez les marines et autres corps militaires. L’armée signifient aux homosexuels par un « renvoi bleu », papier frappé d’un grand H, qu’elle ne les acceptera pas dans ses rangs. Les combattants gays ainsi refoulés se retrouvent souvent bloqués à San Francisco, souvent trop honteux de leur situation pour oser rentrer chez eux. Une première communauté gay s’installe alors – ou plutôt se cache - dans le « Tenderloin », quartier pauvre et mal famé de San Francisco. A partir des années 50, d’autres homosexuels, victimes cette fois-ci du maccarthysme, viendront grossir leurs rangs, attirés par la réputation de tolérance de la ville.

Castro Street et le Castro Theatre - Manon Liduena/Lemagazine.info

Dans les années 60, aidée par le mouvement hippies et la libération sexuelle qu’il entraine dans son sillage, la communauté homo commence à se rebeller contre les brimades incessantes de la société américaine à son encontre, et crée en 1969 le Gay Liberation Movement. C’est de cette époque que date la véritable « migration » de la communauté homosexuelle américaine vers ce qui deviendra le « Castro », le légendaire quartier gay de San Francisco, jusqu’alors peuplé d’ouvriers. Attirés par les faibles loyers, les premiers homosexuels issus de la génération du « Flower Power » rénovent les anciennes maisons victoriennes, tombées en désuétude. Ils redonnent vie à tout un quartier de la ville, en ouvrant de nouvelles boutiques, dont certaines deviendront de véritables lieux de ralliement, comme la librairie A different light qui existe encore aujourd’hui, ainsi que des bars et restaurants insolites.

La montée en puissance de la communauté gay de San Francisco ne s’est évidement pas déroulée sans heurts, et les actes homophobes restent monnaies courantes. Le 27 novembre 1978, Harvey Milk - conseiller municipal de San Francisco et premier politicien à afficher son homosexualité - est assassiné par un fanatique. Le verdict relativement clément de la Cour provoqua de violentes émeutes au cours d’une nuit que l’on appellera plus tard la « Nuit Blanche ». Aujourd’hui, une plaque, située à l’arrêt de bus de Market Street, rend hommage à celui qui était devenu pour tous « le maire de Castro » et chaque 27 novembre, la communauté gay défile de Castro Street au City Hall en mémoire du « maire » assassiné.

A partir des années 80, durement touchée par le sida, la communauté gay de Castro s’est faite plus discrète, pour quitter progressivement le quartier. Elle est aujourd’hui dispersée dans toute l’agglomération de San Francisco.

Une communauté toujours active

Traditionnellement réfractaire au politiquement correct et à l’establishment, la communauté gay de San Francisco n’a pourtant pas fini de faire parler d’elle. Pour preuve, le coup d’éclat en mars 2004 du Maire, Gavin Newsom, lui-même hétéro. Entre février et mars 2004, deux mois après son élection à la mairie de San Francisco, soutenu par de puissantes associations de défenses des droits des homosexuels, Newsom a uni par le mariage 3400 couples gays. Et cela malgré l’opinion défavorable de 60 % des Américains et des hommes politiques les plus puissants. Arnold Schwarzenegger, gouverneur de Californie, n’a d’ailleurs pas manqué de s’insurger contre ces unions qui, selon lui, « mettent en péril » la stabilité de l’Etat californien. Quant à Bush, il a tout simplement voulu modifier la Constitution pour préserver le mariage, « l’institution la plus fondamentale de la civilisation ». Face à ces résistances, il semblerait que San Francisco l’insoumise ait encore de longs combats à mener…

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