mercredi 18 mars 2009

ENTRETIEN AVEC PETE DOHERTY !


Tout en menant son rôle d'entertainer public, c'est seul que Pete Doherty continue sa carrière musicale. Celui que l'on a qualifié d'artiste majeur pour son travail au sein de ses diverses formations se confronte sur Grace/Wastelands à son écriture, parfois anodine et peu convaincante.
A force de lire ses stupéfiantes aventures dans la presse, on en était arrivé à se demander si Pete Doherty saurait un jour retrouver la concentration et la rigueur nécessaires à l’écriture de vraies chansons. Ses Babyshambles et lui ont eu leurs bons moments ("Fuck Forever", "Albion"…) mais auront surtout permis de mettre en évidence la différence qu’il peut y avoir entre une bonne idée de chanson (quelques accords gratouillés au coin du feu ou de la pipe à krach, un refrain qui déchire) et une bonne chanson tout court. La pop est un art qui repose autant sur la créativité que sur le respect de codes que Doherty ne prenait plus la peine de respecter depuis un bail.

Sister I’m A Poet
A cette question du "peut-il encore ?", Grace/Wastelands répond clairement : oui. Avec Graham Coxon, l’ex et re-Blur, à la guitare, une partie de ses Babyshambles en backing band et Stephen Street, le discret et mythique producteur au serrage de vis pop, Doherty réussit à tenir sa musique en mains. Les 12 titres de son premier album solo "sérieux" (la preuve il a rendu son "r" à son prénom) sont ce qu’il a fait de plus abouti en matière d’écriture depuis le second album des Libertines : des titres relativement brefs, structurés et qui ne s’évanouissent pas à chaque fois dans des improvisations terminales fumeuses, des textes homogènes et qui ne finissent pas dans le brouillard. Si cette discipline (presque) retrouvée est en soi une bonne nouvelle pour Doherty, le résultat n’est néanmoins pas très convaincant.

Composé pour moitié de titres acoustiques et pour moitié de titres orchestrés, Grace/ Wastelands est un album un rien neurasthénique, qui manque de couleur et de variété. Le registre de chant de Doherty est certes charmant mais trop limité pour ne pas ressembler sur 12 titres à une morne plaine. On peut craquer sur son phrasé de poète urbain et romantique, pour ses textes et ses références littéraires trop appuyées (Baudelaire, Lewis Carroll, Oscar Wilde), et trouver plaisir à sa fragilité apparente, mais Doherty module peu et assez mal, ce qui peut entraîner assez vite un rejet épidermique de tout ce qu’il tente ici. "New Love Grows On Tree" qui est l’une des chansons les plus solides de l’album est neutralisée par un chant à plat et à la limite du je-m’en-foutisme, malgré les efforts considérables de Street pour le mettre au premier plan.

This Charming Man
Doherty évolue ici en permanence dans le rôle de chanteur (junk)boy-scout qu’il affectionne et dans lequel il excelle. A poil sur le joli "Arcadie", qui évoque le folk désolé de Jackson C. Franck sur fond de décadence de l’Angleterre, en rythme sur le single "Last of English Roses" (au propos emprunté à Morrissey) ou sans Amy Winehouse (portée pâle) sur l’ambitieux duo Blitz chanté seul "1939 Returning", Doherty soigne la fibre national-nostalgique, fait le folkeux et se donne des airs Vieille Angleterre. Il y a un charme indéniable dans ces compositions pour qui a biberonné de la pop anglaise ces vingt dernières années. Le propos de l’ancien Libs tire les bonnes ficelles : Old England, guitare, cœur brisé et temps qui passe, le cocktail est savoureux, craquant si l’on considère le personnage mais tout de même un brin désuet. "A Little Death Around The Eyes" fait penser aux Auteurs qui, dans ce genre précis, ont fait beaucoup mieux, il y a bien longtemps. "Salome" est une variation fainéante mais assez amusante sur le thème de, tandis que "Through the Looking Glass" affiche d’évidentes limites dans sa dernière minute psychépop. "Sweet By and By" est une chanson cabaret qui témoigne d’une belle liberté d’inspiration et sûrement de l’audace du presque trentenaire, mais ne contribue pas à donner de la consistance à un ensemble finalement assez anodin. "Palace of Bone" manque d’une colonne vertébrale et ressemble à du Dylan sans boussole. "Sheepskin Tearway" en duo avec Dot Allison est une vraie réussite et lance un final plutôt meilleur que le reste avec notamment le joli "Broken Love Song" et le gracieux "Lady, Dont Fall Backwards", adressé, semble-t-il, à qui on sait.

Grace/Wastelands est un album sympathique, délicieux, touchant et aussi léger qu’une bulle d’air mais est trop anecdotique pour faire de Doherty l’artiste décisif et incontournable que d’aucuns ont vu en lui. Il faudra vraisemblablement attendre le 3ème album des Libertines (Doherty et Barat parlent de plus en plus d’une reformation) pour crier au génie ou…faire son mea culpa.
fluctuat.net

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