vendredi 8 mai 2009

MELODY GARDOT : UNE JAZZWOMEN A PARIS !


Ses parents l'ont appelée Melody, et elle a construit sa vie autour de ce prénom. La mystérieuse Américaine Melody Gardot, chanteuse de jazz et fan de Radiohead, vient cette semaine présenter ses chansons à la France.

"Tu t’appelles comment ? Melody. Melody comment ? Melody Gardot.” La coïncidence est troublante, les Melody résonnent. A l’âge de 19 ans, l’Américaine Melody (et c’est son vrai prénom) Gardot est renversée par une voiture alors qu’elle circule à vélo dans une rue de Philadelphie. Pas de chance, ce n’est pas la Rolls de Gainsbourg, mais un horrible 4x4 qui a grillé un feu. D’un an d’hôpital, Melody Gardot émerge le corps et la vie en miettes. Elle doit réapprendre à marcher, à parler, sa vision est altérée. Un docteur lui conseille de s’accrocher à ce qu’elle aime. Ce sera la musique. Avant son accident, adolescente, Melody Gardot écoutait Blur et Nirvana, et elle jouait parfois du piano dans les bars, pour arrondir ses fins de mois, des chansons des Mamas And Papas ou de Radiohead. Elle n’avait jamais chanté ni composé.
Pendant sa convalescence, alors qu’elle est encore condamnée à l’alitement, elle apprend la guitare (pas pratique de jouer du piano allongée), écrit des chansons et les interprète. Elle est devenue chanteuse. “C’est comme si l’accident avait modifié quelque chose dans mon cerveau”, dit-elle aujourd’hui, en affirmant qu’elle n’aurait jamais chanté sinon.
Blonde, très élégante, Melody Gardot arrive à l’interview nimbée d’un halo de mystère, s’aidant de sa fidèle canne, le regard caché derrière d’indispensables lunettes noires. Ce n’est pas pour faire dandy, mais à cause des séquelles de l’accident. Elle a 23 ans, mais semble sortir d’un film d’Hitchcock. Sueurs froides, dont on préférera le titre original, Vertigo. Parce que du vertige, elle en a mis partout dans My One and Only Thrill, son éblouissant deuxième album.
Pour les amateurs de classifications, de discothèques trop bien rangées, Melody Gardot est une chanteuse de jazz-folk, dont le premier album à succès, Worrisome Heart, sorti il y a un an, avait trouvé sa place entre les meilleurs disques de Joni Mitchell et de Norah Jones. Mais pour les amateurs de grands frissons, de disques qui auraient le pouvoir de hérisser le poil sur les bras d’un manchot, Melody Gardot est aujourd’hui la meilleure.
Des disques de chanteuses compétentes, on en entend beaucoup. Des interprètes virtuoses, qui abordent la musique comme un exercice de style, s’entourent d’excellents musiciens, sortent un jour des albums de reprises et sourient quand le public applaudit après le solo de piano. Melody Gardot, elle, est ailleurs, au coeur de la chanson plutôt qu’à sa surface.
Comme la Cat Power de la grande époque, ou Lhasa (que son dernier album place tout près de Melody Gardot sur le podium de la musique à la fois douce et forte en émotion), elle semble jouer sa vie avant de jouer du jazz, ou du folk. “Je ne me vois pas comme une chanteuse de jazz. J’aime le jazz, bien sûr, mais je suis aussi amoureuse de la musique brésilienne, italienne, classique. Ce que je cherche, c’est la simplicité qui rend chaque note importante, et la profondeur des sentiments exprimés. Pendant l’enregistrement et le mixage du disque, j’ai beaucoup pleuré, et l’ingénieur du son aussi. Ce n’était pas triste, mais vraiment beau, parce que je me révélais.”
Elle est allée très loin, plus loin, Over the Rainbow, la seule reprise qu’elle s’autorise sur My One and Only Thrill, vieille scie scintillante et septuagénaire qu’elle chante comme si elle l’avait écrite elle-même. “Un jour, j’ai commencé à écrire une chanson que je trouvais très belle. Puis j’ai réalisé qu’elle existait déjà, c’était Over the Rainbow, que j’ai beaucoup écoutée quand j’étais petite, parce que je regardais Le Magicien d’Oz avec ma grand-mère.” Dans l’album, l’arc-en-ciel est un majestueux rideau de cordes en mouvement, arrangées par Vince Mendoza comme dans un vieux disque de Sinatra, ou dans une BO de Bernard Herrmann. L’emballage musical est somptueusement rétro, mais l’émotion, elle, est pure, intemporelle.
Quand elle était petite, Melody Gardot rêvait d’être astronaute. Elle a déjà trouvé le secret de l’apesanteur vocale. Sa voix est terriblement féline, passant du miaulement de désespoir au ronronnement feutré d’un petit scat funambule, qui n’appartient qu’à elle. Et c’est normal : ses chansons, elle les a écrites pour son chat. “Aujourd’hui, je n’ai pas de chez-moi, je suis une Gitane. Mais quand je vivais à Philadelphie pour écrire l’album, j’avais une chambre avec un piano, un lit et mon chat Maestro. Quand la musique était bonne, Maestro sautait s’asseoir à côté de moi. Quand la chanson était mauvaise, il restait à l’autre bout de la pièce. C’est lui qui a choisi les chansons.” Bon chat, Maestro.
Album My One and Only Thrill (Verve/Universal)
Concert Le 13 mai à Paris (Alhambra)
www.myspace.com/melody

les inrocks

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