vendredi 27 novembre 2009

Les LGBT italiens disent merci à Beth !

En tournée européenne, les Gossip et leur mythique chanteuse Beth Ditto étaient en concert lundi, au Palasharp de Milan. Ils ont électrisé leurs fans italiens, complètement sous le charme de la diva rock. Et plus encore quand celle-ci s'est parée de la banderole «Stop homophobia» de la Journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie (Idaho) pendant qu'elle interprétait la chanson Yr Mangled Hea
Le message a bien sûr fait un tabac auprès du public, largement composé de gays et de lesbiennes, alors que l'Italie, et surtout Rome, ont été le théâtre de plusieurs agressions homophobes ces dernières semaines. Et les homos italiens ne croulent pas sous les soutiens: la classe politique est frileuse pour s'engager franchement contre les discriminations Et surtout, comme le signale Gay.it qui rapporte cette nouvelle, aucun artiste «ne s'était exprimé d'une manière aussi forte et claire contre l'homophobie» devant un public italien. Alors, pour cet appui inhabituel et sans réserve, le site lance un cordial: «Grazie Beth!»

jeudi 26 novembre 2009

Rimb -arth-aud !


Huncke n’était pas à proprement parlé un écrivain. Du moins, pas au sens bourgeois du terme. C’était avant tout un extraordinaire conteur et un caractère unique. Il nourrissait une passion véritable et paradoxalement sincère pour le vol, la drogue et le mode de vie hors la loi.
Prostitué gay, voleur à la tire, junkie — c’est à lui que l’on doit le mot beat (personne vivant sans argent et sans perspectives), expression qui servit à décrire et définir toute une génération. Son univers était peuplé de travestis, de maquereaux et de petites frappes.
Très vite, Huncke est devenu l’icône d’un monde dérangé et paumé. Ce qui lui valu d’ailleurs d’incarner des personnages récurrents chez Kerouac (Hassel Elmer dans Sur la route) ou Burroughs (Herman dans Junky).
Par sa surconsommation de stupéfiants, il était persuadé de pouvoir atteindre des mondes nouveaux, hors de portée et donc susceptibles de produire des lieux inédits d’un point de vue psychique et artistique. Comme Rimbaud, ses mondes ne sont pas forcément plaisants; c’est par le biais de termes noirs et de descriptions crues (qui ne sont pas sans rappeler une certaine Nuit de l’enfer) que Hunke relate ses expériences d’héroïnomane:
« Je voulais mourir, et j’avais l’impression d’être en train de mourir — je pouvais observer la mort qui se nourrissait de moi — la voir dans la pâleur de ma peau — les taches d’irritation suintantes sur mon menton et mon visage — les petits flocons rouges dans le blanc de mes yeux – dans la façon dont on voyait mon crâne à travers ma peau au niveau des tempes — je pouvais la renifler sur mes pieds en sang, recouverts de crasse — sur mon entrejambe — mes vêtements. »
Mais la drogue n’était pas seulement un échappatoire pour lui. C’était avant tout une réponse, sa façon de faire face à un héritage pesant. Celui d’une vie et d’un monde qu’il ne sentait pas fait pour lui et pour lequel, d’une certaine façon, il n’était pas vraiment prêt.
Coupable de tout, son premier ouvrage publié en français, vient de paraître aux éditions du Seuil. Ce volume contient des nouvelles, Un crépuscule cramoisi, son Journal et quelques interviews.
Asphalt jungle
Ce que l’on sait moins le concernant est qu’il rencontra Alfred Kinsey et participa à sa célèbre enquête sur la sexualité. Pour rappel, Kinsey publia dans les années 50 deux importantes études sur le comportement sexuel: Sexual Behavior in the Human Male et Sexual Behavior in the Human Female. Grâce à lui, beaucoup de comportements comme la bisexualité, l’homosexualité ou la mastrbation — qui passaient pour des anomalies — se sont avérées plus présentes et communes que l’opinion publique ne le pensait aux États-Unis.
Ce que met en évidence la fameuse Échelle de Kinsey est que hétérosexualité et homosexualité ne sont pas deux pratiques amoureuses différentes mais bien deux pôles d’une même orientation sexuelle. Ce qui revient à dire que tout individu porte en lui une composante hétérosexuelle et une composante homosexuelle.

Allen Ginsberg and-Peter Orlovsky !

mardi 24 novembre 2009

Alex Pettyfer photographié par Hedi Slimane !




Ginsberg au cinéma, produit par Gus Van Sant !


Howl, le poème le plus célèbre d'Allen Ginsberg va donner son nom à un biopic sur la vie de l'artiste. Hippie révolutionnaire, homosexuel bouddhiste mais surtout personnage charismatique des années 60 considéré comme une menace pour la sécurité des États Unis, Allen Ginsberg marqua son époque et l'histoire à jamais.
our reprendre son rôle une pléiade d'acteurs a été envisagée dont Johnny Depp, il y a de cela quelques années. Car ce projet d'adaptation ne date pas d'hier mais les réalisateurs Rob Epstein et Jeffrey Friedman se sont enfin mis d'accord sur l'acteur parfait : James Franco. Déjà au casting de Milk où il jouera aussi un homosexuel, Franco devrait interpréter Ginsberg dans sa période beatnick, soit jeune et encore imberbe.
Autour de l'acteur, on pourra aussi retrouver Mary-Louise Parker, la jolie dealeuse de Weeds, Paul Rudd, Alan Alda et David Strathairn. Gus Van Sant s'occupera quant à lui de la production

lundi 23 novembre 2009

Gay sex in the seventies !


"Gay Sex in the 70’s" a été présenté au festival de cinéma gay de Paris. PinkTV a décidé de l'éditer en DVD en association avec MK2.
Ce documentaire sur la révolution sexuelle des homos dans le New York des années 70, est un témoignage passionnant sur la "parenthèse enchantée" que les gays new-yorkais ont connue entre Stonewall et l’apparition du sida.
Une courte période où tous les plaisirs étaient permis et où la sexualité se vivait partout, à tout moment.
Alors que dans la plupart des pays occidentaux, la révolution sexuelle "hétérosexuelle" a eu lieu au milieu des années 1960, les gays ont dû attendre les années 1970.
Entre juin 1969 et juin 1981, une déferlante de plaisirs est ainsi arrivée sur New York. Les homos draguaient dans la rue, dans les bars ou encore sur les docks qui ont aujourd’hui disparu. Beaucoup découvraient les joies d’une sexualité décomplexée et foisonnante.
Le réalisateur Joseph Lovett a réuni des images d’archives très rares ainsi que des témoignages passionnants d’anonymes ou de personnalités (comme Tom Bianchi ou Larry Kramer) qui ont vécu cette période.
"Gay Sex in the 70’s" a été récompensé par le prix du meilleur documentaire au Festival du Film gay et lesbien de Dallas.


Les dernières photos de tournage de James...


dimanche 22 novembre 2009

The Howl, d'Allen Ginsberg en cours de tournage, avec James Franco dans le rôle de Ginsberg !


David Strathairn, Alan Alda, Jeff Daniels, Mary-Louise Parker et Paul Rudd, voilà le casting de ce qui sera sans doute l'adaptation la plus intéressante d'un texte. Et ajoutons que James Franco a déjà signé pour incarner le rôle d'Allen... Un film qui ne manquera pas de mettre en avant le monde de la seconde moitié des années 60, notamment la période 56-57, durant le procès intenté contre l'éditeur City Lights, pour obscénité.
Le poème mythique avait déjà connu une actualité passionnante lorsqu'un enregistrement réalisé en mars 1956 avait été dernièrement découvert.
Jeffrey Friedman, qui s'est occupé avec Rob Epstein de la scénarisation : « Cinquante ans plus tard, la vision de Ginsberg est toujours aussi pertinente que l'année de l'écriture. Des échos de liberté d'expression, de censure gouvernementale, de conformité sexuelle » sont encore vibrants aujourd'hui en Amérique.
Les personnages historiques ayant pris part au procès, comme le procureur Ralph McIntosh (joué par Strathairn), le juge Clayton Horn (Alda), professeur David Kirk, témoin à charge (Daniels), et ainsi de suite participeront à la mise en valeur du film. On apprend également qu'Eric Drooker, qui fut un collaborateur de Ginsberg, et s'occupe actuellement en réalisant des romans graphiques, concevra pour l'occasion des animations particulières pour une ambiance plus prenante encore.
Pas de date de sortie, pour l'heure... Mais on attend impatiemment... Extraits des premières lignes :
« J’ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés hystériques nus,
Se traînant à l’aube dans les rues nègres à la recherche d’une furieuse piqûre,
Initiés à tête d’ange brûlant pour la liaison céleste ancienne avec la dynamo étoilée dans la mécanique nocturne [...] »

Red models nyc !



samedi 21 novembre 2009

La colère de l'auteur d'Homo-ghetto !


«J'ai écrit une lettre de rage, dimanche soir, chez moi devant mon ordi.» Furieux que son livre n'ait entraîné «aucune réation politique», Franck Chaumont a écrit à Luc Chatel, le ministre de l'Education. Franck Chaumont est l'auteur de Homoghetto: gays et lesbiennes dans les cités. «Il n'y a eu aucun relais politique de la sortie de mon livre et de celui Brahim Naït-Balk (Un homo dans la cité, paru au même moment). Fadela Amara s'est contentée de recevoir Brahim, en lui demandant de lui «faire des propositions», mais en ne proposant rien! Je la rencontre prochainement, mais je n'en attends rien de mieux. Au PS, à part un débat à l'initiative de Manuel Valls le 5 décembre dans sa ville d'Evry (Essonne), rien. L'UMP ne bougera pas non plus», regrette-t-il.
Une semaine de prévention
Dans cette lettre ouverte au ministre de l'Education, publiée par Le Monde, Franck Chaumont est alarmiste et parle d'«urgence» pour les gays des banlieues: «Monsieur Chatel, avez-vous entendu les cris de détresse de jeunes filles et garçons homosexuels vivant dans les cités qui se sont exprimés dans des livres et dans la presse depuis le mois d'octobre?» demande-t-il. «Oui, monsieur le ministre, être gay ou lesbienne aujourd'hui dans nos cités est passible des pires rétorsions.»
Il propose une solution contre l'intolérance dans les cités: «aborder, avec les enfants dans les écoles primaires, les adolescents dans les collèges et lycées, l'homosexualité et au-delà l'acceptation des diversités et des différences». Une semaine spéciale «de lutte contre l'homophobie, à l'image de la semaine d'éducation contre le racisme qui, malheureusement, tend à tomber en désuétude».
Qu'en pensez-vous?
Une semaine de prévention contre l'homophobie à l'école serait-elle une bonne idée?
Avez-vous lu le livre de Franck Chaumont ou de Brahim Naït-Balk?

Photo: David Balicki pour TÊTU.

tetu.com

vendredi 20 novembre 2009

Voila comment on aime le foot !

Le calendrier des rugbymen de l'Ecole de Grenwitch en Angleterre !

Colum Mc Cann couronné !


Like the funambulist at the heart of this extraordinary novel, Colum McCann accomplishes a gravity-defying feat: from ten ordinary lives he crafts an indelibly hallucinatory portrait of a decaying New York City, and offers through his generosity of spirit and lyrical gifts an ecstatic vision of the human courage required to stay aloft above the ever-yawning abyss.
In the dawning light of a late-summer morning, the people of lower Manhattan stand hushed, staring up in disbelief at the Twin Towers. It is August 1974, and a mysterious tightrope walker is running, dancing, leaping between the towers, suspended a quarter mile above the ground. In the streets below, a slew of ordinary lives become extraordinary in Colum McCann’s intricate portrait of a city and its people. Let the Great World Spin is the author’s most ambitious novel yet: a dazzlingly rich vision of the pain, loveliness, mystery, and promise of New York City in the 1970s
Colum McCann is the internationally bestselling author of the novels Let the Great World Spin, Zoli, Dancer, This Side of Brightness, and Songdogs, as well as two critically acclaimed story collections. His fiction has been published in thirty languages. He has been a finalist for the International IMPAC Dublin Literary Award and was the inaugural winner of the Ireland Fund of Monaco Literary Award in Memory of Princess Grace. He has been named one of Esquire’s “Best and Brightest,” and his short film Everything in This Country Must was a 2005 Oscar nominee. A contributor to The New Yorker, The New York Times Magazine, The Atlantic Monthly, and The Paris Review, he teaches at Hunter College and lives in New York City with his wife and children.

jeudi 19 novembre 2009

I love Models Management !





Ilovemodelsmanagement

Vil Romance ce soir dans le cadre des Chéries-Chéris au Forum des Images





Un film brut, froid, violent, qui montre la relation singulière entre un jeune paumé et un trafiquant d'armes dans une ville argentine misérable. Un réalisme social très dérengeant mais qui dégage une poésie improbable grâce au jeu excellent des acteurs et à la mise en scène de José Celestino !

www.ffglp.com

mercredi 18 novembre 2009

Mourir comme un homme, le nouvel opus de Joao Pedro Rodrigues, projeté à 19h au Forum des Images !



Dans le cadre du Festival Chéries-Chéris, découvrez en avant-première le nouveau long-metrage du réalisateur portuguais Joao Pedro Rodrigues (O Fantasma, Odette), Mourir comme un Homme.

www.ffglp.net

vendredi 13 novembre 2009

FEULLETON : L'INTERVIEW DE CHRISTOPHE HONORE PAR TELERAMA (3EME PARTIE) !


Est-ce une manière de revenir à l’écriture littéraire ? Vous disiez récemment éprouver certaines difficultés parce que vous vous êtes habitué à la « forme pauvre » du scénario.
Oui, j'aimerais vraiment réussir à terminer un roman. A le commencer, plutôt ! Je porte depuis longtemps un projet que je ne parviens pas à faire avancer et je me dis que ça serait bien de publier un roman, non pas en terme de « carrière », mais pour ne pas abandonner cette envie-là. Et le scénario, c’est vrai, est une forme pauvre qui détourne du roman. C’est tellement facile à écrire ! C'est vraiment en rédigeant un scénario qu’on se rend compte de ce qu’est la littérature. Pas une question de dialogue et d'histoire, mais de langue et de création. L’invention d’une écriture qui permet d'accéder à des émotions, à des états qu'a priori on ne maîtrise pas. La littérature est vraiment liée à l'inconscient, alors qu'un scénario, c'est de la pleine conscience.

Certains pensent pourtant que l’écriture d’un scénario revient à projeter son inconscient sur la page.
Je ne crois pas du tout. Dans l'écriture du scénario, on écrit des scènes à partir d'images qui nous viennent souvent inconsciemment mais qui ne sont pas formées par l’écriture. Elles nous arrivent et ensuite, on les décrit. Alors qu'en littérature c'est l'inverse, c'est vraiment l’écriture qui finit par faire naître et façonner des images. C'est pour cette raison qu’il est compliqué de passer de l’un à l’autre et de se remettre à l’écriture romanesque. On se sent facilement démuni. J’ai lu, cet été, le Journal de Joyce Carol Oates et ça m'a rassuré. Elle n'arrête pas de publier et, pourtant, elle explique qu'à chaque nouveau livre, elle passe trois mois sans parvenir à écrire. Puis, quand c'est lancé, en deux ou trois mois, c'est fait. C’est de l’ordre du blocage, il faut sauter le pas. J'ai devant moi près de 300 pages de notes et j’espère avoir fini au printemps. Le roman que je veux écrire débute en 1945. C'est une entreprise un peu particulière, quelque chose que je n'ai jamais fait, aborder une histoire intime et familiale qui commence à une autre époque que la mienne…

Ça ressemble au Ciel de Nantes, un film dont vous parlez depuis un certain temps?
Oui, c'est Le Ciel de Nantes que j’ai commencé à écrire après Ma Mère. Ce projet s’est toujours promené entre le cinéma et la littérature, mais je me rends compte que je n’arriverai sans doute jamais à en faire un film. J’ai écrit un scénario avec Gilles Taurand [qui a notamment collaboré avec André Téchiné et Robert Guédiguian, NDLR] et nous étions partis pour en tirer deux films de deux heures, voire peut être six épisodes d’une heure. Mais je n'aimais pas beaucoup le premier scénario que nous avions écrit et j'ai préféré en rester là. C’est une véritable saga et je me suis rendu compte qu'au cinéma, je ne savais pas faire ça. Pour le coup, c'est une matière vraiment romanesque. L’histoire de la famille de ma mère où il y avait dix enfants. Sa mère - ma grand-mère - était veuve de guerre, elle avait déjà deux enfants quand elle a eu une aventure avec un Espagnol dont elle est tombée enceinte. Ses parents l'ont forcé à l’épouser et elle a appris qu'il était déjà marié, mais il lui a quand même fait huit enfants. C'était un homme assez violent, compliqué, dont elle a divorcé après avoir marié sa dernière fille quand elle avait 65 ans.

C'est une famille très populaire d'un vieux quartier de Nantes, et j'ai toujours senti que c'était une famille un peu folle. Quand mon père a épousé ma mère, il a voulu l'éloigner d’eux en s'installant dans le centre de la Bretagne. Mais, à chaque fois qu'on allait à Nantes, c'était très excitant. J'avais l'impression qu'il se passait quelque chose dans ma vie. Ça me changeait du lotissement où nous habitions. Quand j'avais 12-13 ans, je rendais visite à ma grand-mère pour les vacances, et c’est dans cet environnement, à Nantes, que j'ai commencé à découvrir le cinéma. Ensuite, je me suis beaucoup détaché de ce versant de la famille parce qu'ils sont très toxiques. Et puis ma grand-mère a disparu.

“Je ne suis pas capable de faire un film
à quinze millions d'euros car je ne suis
pas capable de faire un million d'entrées.”

jeudi 12 novembre 2009

Herbert Hencke, enfin, à visage découvert !


C’est avec une certaine réserve mêlée de curiosité que j’ai ouvert Coupable de tout et autres textes de Herbert Huncke ; de la curiosité parce que Huncke n’était pas un écrivain de profession, mais un vrai paumé, se démarquant en cela des trois écrivains mentionnés qui, issus de familles bourgeoises, y trouvaient systématiquement refuge lorsque les choses tournaient mal…
Herbert Huncke est avant tout une figure de la Beat Generation. Décédé en 1996 à l’âge de 81 ans ( !), Huncke était un polytoxicomane, un dealer, un prostitué, un cambrioleur, un voleur qui eut un rôle essentiel dans les vies de Ginsberg, Kerouac et Burroughs au point d’apparaître sous le nom de Hassel Elmer dans Sur la route ou sous celui de Junkey dans Avant la route ou encore de Huck dans Anges de la désolation de Kerouac, sous le nom de Herman dans Junky de Burroughs qu’il initia à l’héroïne. Si Huncke éprouve une vraie tendresse pour Ginsberg dont il fut l’amant, il est assez lucide sur les autres. Voici ce qu’il dit de Burroughs :
« Je crois que Bill me trouvait intéressant, et qu’il me considérait comme une espèce de modèle qu’il pouvait exhiber devant ses connaissances plus “rangées” – un spécimen de gars du milieu – et quelqu’un sur qui il pouvait compter pour être amusant et pittoresque. Mon don pour raconter des histoires m’a toujours été d’un grand secours et, déjà à l’époque, j’avais vécu des expériences variées qui sortaient considérablement de l’ordinaire pour des gens comme les amis de Bill. »
Les deux hommes deviendront cependant amis ; Huncke ayant appris à l’apprécier après un séjour de plusieurs moi chez l’auteur du Festin nu, au Texas. Il reconnaîtra même que Burroughs est sans aucun doute la personne la plus intelligente qu’il ait rencontrée. Cela a mis du temps, Herb étant même persuadé, la première fois qu’il l’a rencontré, qu’il s’agissait d’un agent du FBI. Jamais, néanmoins, il ne vit en lui l’un de ses égaux en déchéance. Huncke semble surtout avoir apprécié sa femme, Joan, que Burroughs tua accidentellement d’un coup de carabine dans la tête en jouant à Guillaume Tell. Quoi qu’il en soit, il apprit à respecter Burroughs et cela bien plus que Kerouac :
« Jack était le type même du jeune Américain propre sur lui. Pour moi, il avait l’air d’une pub pour les chemises Arrow : leurs campagnes représentaient toujours des jeunes hommes d’affaires américains modernes, avec une coupe de cheveux impeccables et l’œil pétillant. Le portrait craché de Jack. »
Herb Huncke fut l’ami de toutes les grandes figures de la Beat Generation : de Neal Cassady, de John Clellon Holmes, de Gregory Corso, de Janine Pommy Vega, d’Irving Rosenthal, d’Alexander Trocchi, de Bill Heine, de Ted Berrigan ou encore de Marty Matz.
Ce livre, un reader, est constitué de différents textes : de son journal, de nouvelles, de lettres, de poèmes, de critiques ; tous ces textes sont autobiographiques et retracent l’itinéraire de Huncke, de sa première fugue au cours de laquelle, à l’âge de douze ans, il découvrit l’homosexualité jusqu’à sa mort ; un parcours qui fit de lui une légende, la figure incontournable de la 42e rue où il s’installa à l’âge de vingt-quatre ans après dix d’errance sur les routes des Etats-Unis.
Cette vie est essentiellement consacrée à la drogue, ou plutôt aux drogues : herbe, héroïne, morphine, barbituriques, amphétamines, cocaïne, Benzédrine, speed, Cosanyl, Tuanol, LSD, etc. Il s’agissait pour lui, comme pour les autres, d’accéder « à des niveaux de conscience absolument neufs » :
« Parfois, après m’être administré une injection d’héroïne, je suis capable de rester assis pendant des heures, complètement absorbé par des visions de lieux et de gens, des souvenirs de retournements inattendus qui font qu’une personne, un lieu ou une expérience se distinguent un peu du train-train quotidien. »
Il ne faut cependant pas croire que Huncke trace un portrait idyllique de la toxicomanie. Il raconte, sans embellir ni noircir, en détruisant les mythes. Les drogues ne permettent pas d’accéder à un univers riant et coloré. Il y a des descriptions très dures, précises, froidement scientifiques de la manière de pratiquer des intraveineuses qui ne peuvent que détourner les âmes sensibles. Quant à la vie des camés, elle n’a rien d’enviable. C’est une vie au jour le jour, rythmée par les fixes et les périodes de désintoxications, volontaires ou non, parfois brutales, qui sont de véritables cauchemars :
« J’étais fauché – affamé la plupart du temps – avec des vêtements peu à même de lutter avec la rage des éléments – je me tenais éveillé grâce à des inhalateurs de Benzédrine – fumais de l’herbe à l’occasion – me débrouillais tant bien que mal pour subvenir à mes besoins quotidiens de came – parvenant juste à m’intoxiquer assez pour ne pas m’effondrer complètement – je volais – j’étais prêt à tout pour un dollar – je cherchais tout le temps un coup juteux – avec un butin suffisant pour me donner une chance de me dégotter un lit à moi – un endroit pour vivre ou au moins mourir au chaud – histoire d’éviter qu’on me retrouve recroquevillé – un cadavre sur un pas de porte. Je voulais mourir, et j’avais l’impression d’être en train de mourir – je pouvais observer la mort qui se nourrissait de moi – la voir dans la pâleur de ma peau – les taches d’irritation suintantes sur mon menton et mon visage – les petits flocons rouges dans le blanc de mes yeux – dans la façon dont on voyait mon crâne à travers ma peau au niveau des tempes – je pouvais la renifler sur mes pieds en sang, recouverts de crasse – sur mon entrejambe – mes vêtements. »
Dans ce milieu interlope, tous les coups sont permis pour avoir de quoi se payer sa dose. On vole certes des inconnus, mais aussi ses propres amis. Et cela ne pose pas de problèmes, nulle rancune puisque les amis en question auraient fait de même. Si la rapine est monnaie courante, elle n’empêche pas la générosité qui est tout aussi radicale. Quand les poches sont pleines d’argent volé, on festoie avec ceux qu’on a auparavant arnaqués. Après tout, ce sont des amis !
Même aux pires moments de sa déchéance, Huncke n’en veut à personne ; il ne se plaint jamais. Il n’a qu’une seule aspiration : qu’on lui foute la paix, qu’on le laisse se piquer et raconter des histoires. Voici ce qu’il écrit de manière très poignante après une énième arrestation :
« Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? En réalité, qui ça regarde, à part moi, si je prends de la drogue ou du poison ? Est-ce que ça va se passer comme ça à chaque fois que je fais un pas dehors ? Est-ce qu’un salopard de flic, anxieux de faire une arrestation pour faire son quota, va montrer à son patron quel bon boulot il fait en me pinçant, est-ce qu’à partir de là ça va être la prison, la prison et la prison comme seul horizon ? La prison, au début, c’était une expérience, puis peu à peu, au fil des années, c’est devenu pour moi une sorte de mode de vie, qui m’a mangé de longues plages de temps. Je prenais la chose avec philosophie. Je me suis adapté, je l’ai acceptée comme une partie de mon quotidien. Je n’aimais pas la prison, mais elle était inséparable de ma façon de vivre, et même si je peux encore y retourner sans aucune difficulté, je suis maintenant prêt à l’éviter. Je ne vole plus et je n’ai l’intention de faire du mal à personne, alors maintenant, qu’on me laisse en paix à m’envoyer ma came dans les veines et à vivre heureux avec les gens que j’ai appris à aimer et en qui j’ai appris à avoir foi. En plus, je veux continuer à écrire, et l’un des endroits où j’en suis incapable, c’est la prison. »
Et la prison, Huncke la connaitra bien. Il séjournera dans toutes les prisons de l’Etat de New York : Sing Sing, Greenhaven State, Dannemora ou Hart’s Island, ce qui lui permettra de décrire la vie carcérale et sa violence, la première d’entre elle consistant à subir la Dinde froide, c’est-à-dire la désintoxication violente. Huncke survivra à la violence de la prison et de la rue. Il continuera à mener cette vie marginale jusqu’au bout, comme en témoigne sa virulente profession de foi à la fin de sa vie :
« Il est vrai que je n’aimais pas être un voleur – mais je n’aimais pas davantage la perspective de devenir un esclave respectable – un salarié – une bête de somme de huit heures du matin à cinq heures du soir – et quelque part je ne jugeais pas ma condition plus répréhensible – en dernière analyse – que celle du politicien corrompu – de l’avocat – du médecin – du patron – ou de l’employé cupide. Le contremaître qui dit : “Faites ça comme ceci – ou vous perdez votre boulot. Qu’est-ce que ça peut me faire si vos enfants sont privés des produits de première nécessité – si vous ne pouvez pas payer vos factures – le loyer – acheter de quoi manger ? Il faut que le boulot soit fait.” Ou le flic qui accepte un pot-de-vin aujourd’hui et procède demain à une arrestation. Ou l’homme d’église porté sur les petits garçons – ou les petites filles – qui bénit d’une main, et tend l’autre pour demander de l’argent. »
Ce qui caractérise Herbert Huncke et qui en fait un personnage si attachant est son authenticité et son… atopia. Huncke ne se sent pas à sa place dans ce monde auquel il n’adresse qu’un seul reproche, celui d’être sans pitié, froid et cruel pour ceux qui sont incapables de s’y insérer. La drogue n’a jamais été autre chose pour lui qu’un moyen de se sentir bien, de se sentir en osmose avec un monde dans lequel il lui était impossible de vivre.
Alors Huncke se drogue exagérément et nous raconte des histoires. Je n’en ai pas encore parlé, mais le talent de conteur de Huncke est immense. Il est parfois émouvant (notamment dans le magnifique poème d’amour intitulé Peter), souvent extrêmement drôle (comme quand il raconte son engagement sur un cargo en partance pour Honolulu afin de se désintoxiquer et dont il reviendra plus camé encore) et sait tracer des portraits d’une grande justesse des personnages hauts en couleur qu’il a rencontré dans sa vie, des célèbres ou des anonymes comme Elsie John, un géant de plus de deux mètres qui se prétendait hermaphrodite, toujours accompagné de ses pékinois, toujours fardé, comme Spencer un homme riche qui accueillait dans son appartement tous les paumés du coin, comme toutes ces femmes et tous ces hommes – tous toxicomanes –, avec lesquels il a vécu ou fait affaire. Des histoires tragiques aussi, comme celle d’Alvarez.
Qui fut Herbert Huncke ? Un homme sensible, trop sans doute, un témoin de son temps qui sera fidèle à lui-même jusqu’au bout, au point d’écrire un peu plus d’un an avant sa mort :
« J’ai bien connu l’aiguille et me suis émerveillé de son délicat effleurement – à la fois timide et déterminé – une ou deux fois cruel – mais toujours charmant au fond. »
bartleby

mercredi 11 novembre 2009

In their youth !



"In Their Youth" est un recueil exceptionnel de plus de 200 portraits inédits réalisés par le photographe américain Greg Gorman au cours de ces 30 dernières années. Son intérêt principal est de nous faire (re)découvrir nos stars de cinéma préférées dans leur prime jeunesse - voir les images de Leo DiCaprio, James Marsden, Rob Lowe, Ruppert Everett (le cover boy de ce livre) ou de Jude Law
acausedesgarcons.com

mardi 10 novembre 2009

Jacno, mon frère choisi, par Jean-Charles de Castelbajac !


C’est en 79 sur ma vieille télé que j’ai découvert le jeune dandy Rimbaldien qui allait devenir mon frère choisi. Le clip d’Assayas le montrait dans un studio glacé au sommet d’une tour à La Défense, face à son synthétiseur Korg MS 10. Je fus captivé ! Le son qu’il produisait était une totale rupture au punk, résolument moderne et surtout très personnel, la construction de Rectangle en faisait un hymne à la joie, novoïde, abyssal et éternel. Le nom énigmatique de Jacno rentra dans ma vie.
Quelques semaines plus tard, j’ai dessiné pour lui et Elli des tenues de scènes rétro-futuristes et me suis retrouvé dans les coulisses d’un Olympia brûlant. Dès ce jour, nous ne nous sommes plus jamais quittés. Nous trouvions toujours un moyen de collaborer ensemble. Notre amitié s’est cimenté en peu de temps. J’assistais, privilégié, à la construction d’une œuvre majeure, comme Castiglione assista à celle de Raphael. Les mélodies de Denis étaient chargées de parcelles d’éternité, elles n’ont pas d’autre âge que les sentiments qu’elles révèlent en nous. Chacun de nous a des notes de Jacno blotties au creux de son cœur, ou de son subconscient, il est un compositeur essentiel, qui nous quitte trop vite, au moment où l’époque lui ressemblait enfin, lui le père spirituel de toute une génération de groupes électro.
Cet été lorsqu’il a entendu la reprise de Je t’aime tant par Indochine, Denis était heureux, il travaillait sur son prochain album, qui s’annonce lumineux… Jacno laisse une immense famille élective orpheline, ceux qui au delà des a prioris et des pressions font le choix d’aimer et de défendre la créativité, l’exigence, l’intégrité et l’unicité.

lundi 9 novembre 2009

La mort à vif, d'Hervé Guibert, par Jean-Marc Lalanne !


Mort en 1991 du sida, qu’il a raconté comme personne, Hervé Guibert sonda la vie dans toutes ses extrémités. Deux jalons encadrent son oeuvre transgressive : La Mort propagande, son premier texte aujourd’hui réédité, et La Pudeur ou l’Impudeur, qui sort en DVD.
C’est sous la forme d’une boucle qu’Hervé Guibert revient cet automne dans l’actualité, près de dix-huit ans après sa mort due au sida en décembre 1991. Ressurgissent en effet en même temps les deux extrémités de son oeuvre : La Mort propagande, son premier texte, publié pour la première fois en 1977 alors que le jeune homme n’a que 22 ans, et La Pudeur ou l’Impudeur, son unique film de réalisateur, tourné seul avec une caméra vidéo prêtée par TF1, durant sa dernière année d’existence et enfin édité en DVD.
L’effet de télescopage est sidérant. Quatorze ans séparent ce premier texte, marqué par Georges Bataille, du journal vidéo de sa maladie. Durant ces années, Guibert s’est beaucoup diversifié, a été photographe, journaliste pour la presse féminine, critique de photo et de cinéma, scénariste de Patrice Chéreau. Il a beaucoup publié, une vingtaine de livres. Mais si la trajectoire est vagabonde, des lignes de force terribles la flêchent, au point que des passages entiers de La Mort propagande pourraient tenir lieu de note d’intention, lyrique, exaltée de La Pudeur ou l’Impudeur.
De l’un à l’autre, pourtant, il s’est produit ce que le jeune écrivain de 22 ans ne pouvait pas du tout anticiper : l’apparition d’une épidémie planétaire, sa propre contamination. La maladie devient le centre de son oeuvre, multiplie par vingt le nombre de ses lecteurs, le propulse, chancelant et décharné, sur les plateaux de télévision. Vient l’agonie qui donne lieu à un film. Pourtant, tout est là, dans le premier récit : “La mort, on la bâillonne, on la censure, on tente de la noyer dans le désinfectant, de l’étouffer dans la glace. Moi je veux lui laisser sa voix puissante et qu’elle chante, diva à travers mon corps.” Le sida est arrivé, a infléchi l’oeuvre, a replié les échafaudages délirants et morbides de La Mort propagande ou Les Chiens (1982), vers le récit autobiographique. L’écriture s’est faite moins cassante, moins froide, plus romanesque, mais le projet – écrire le travail de la mort sur son corps – a préexisté à tout.
En 1977, Hervé Guibert est un jeune journaliste. Né à Saint-Cloud, il a néanmoins grandi en province, à La Rochelle. Revenu s’installer dans la capitale, il a forcé avec audace les portes du journal 20 ans et séduit la puissante rédactrice en chef Agathe Godard. Il a débuté en animant, avec beaucoup d’humour et un peu d’insolence, la rubrique du courrier des lectrices. Très vite, le journalisme devient pour lui l’outil d’une rapide ascension sociale, l’instrument par lequel ce séducteur magnétique aux boucles blondes se constitue un solide réseau amical et professionnel. Pour 20 ans, il fait le portrait d’Isabelle Adjani, qui devient l’une de ses plus proches amies et pour qui il écrira un scénario ; il interviewe Zouc, avec qui il publie aussitôt un livre d’entretiens (Zouc par Zouc, 1978) ; il fait un reportage sur le tournage de La Chair de l’orchidée, le premier film de Chéreau, et réussit à le convaincre d’écrire avec lui son prochain film ; c’est aussi à l’occasion d’un article pour 20 ans qu’il rencontre Régine Deforges, dont il apprécie l’inspiration libertine. C’est elle qui publie La Mort propagande.
Aucune mention sur la couverture ne vient définir cette première oeuvre. Pas un roman, donc. Mais pas non plus une autobiographie. Pourtant, des souvenirs d’enfance affleurent : l’odeur d’urine des W.-C. de l’école primaire, la toilette matinale, la sciure au sol chez ce boucher viril dont Hervé enfant supposait qu’il faisait “mouiller” sa mère (“Le jus risquait de s’écouler le long des bas, traversait les jupons de tulle empesés, les salissant, les mouillant (…), elle serrait les jambes, voulait pas que je le voie, la sciure à ses pieds pour l’absorber”). Moins le récit d’une vie que la juxtaposition discontinue de sensations très physiques du passé, auxquelles répondent les descriptions d’extases sexuelles, de dragues aux Tuileries ou le détail de patientes auscultations de son propre corps, dont le doigt fouille tous les orifices.
Moins qu’une autobiographie (trop lacunaire, pas assez narratif), plus qu’un autoportrait, La Mort propagande est plutôt une autopsie, une auto-autopsie, opérée de son vivant. Il examine chaque rouage de sa vie corporelle avec curiosité et étonnement, et le détachement clinique alterne avec une exaltation de la puissance organique. L’outrance rejoint parfois l’humour, comme lorsque l’auteur s’hystérise en cadavre : “Dans la nuit du 6 au 7 mars 19…, H. G. fut retrouvé mort, baignant dans son sang au milieu de sa chambre en désordre. La mort le rendait silencieux.” Dans le premier chapitre, une phrase frappe particulièrement le lecteur d’aujourd’hui : “Qui voudra bien produire mon suicide, ce bestseller ?” Le jeune auteur ne connaissait pas encore la réponse. Elle viendra treize ans plus tard : TF1, en la personne de la productrice Pascale Breugnot.
En mars 1990, Guibert publie A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie. Le livre fait le récit de la découverte de sa séropositivité, à laquelle s’entrelace celui de la disparition de Michel Foucault, son voisin et ami (rebaptisé Muzil), mais aussi celui de son amitié tumultueuse avec une star de cinéma appelée Marine. Entendre Isabelle Adjani, alors victime d’une rumeur selon laquelle elle agoniserait du sida, ce qui la conduira à témoigner lors d’un journal télévisé qu’elle n’est pas malade.
usque-là, les livres de Guibert se vendaient à 5000 exemplaires. A la suite de son passage à Apostrophes, A l’ami… devient un bestseller. Pascale Breugnot, touchée par le texte, contacte l’écrivain et lui confie une caméra vidéo pour qu’il filme son combat contre la maladie. Il accepte, se filme quotidiennement de mai 1990 à mars 1991. Le film, intitulé La Pudeur ou l’Impudeur, ne sera diffusé qu’un mois après sa disparition, début 1992.
Le cinéma était la première vocation d’Hervé Guibert. A 18 ans, il a tenté le concours de l’Idhec, l’école de cinéma, et a échoué au dernier oral. Devenu un collaborateur régulier du Monde, spécialisé dans la photographie, il participe régulièrement aux pages cinéma, couvre les festivals (Venise, Cannes, Berlin), fait des reportages sur des tournages lointains (au Mexique pour Au-dessous du volcan de John Huston en 1983, au Japon pour Ran de Kurosawa en 1984). Il coécrit L’Homme blessé de Patrice Chéreau (César 1984 du meilleur scénario). Il voudrait réaliser un film avec Isabelle Adjani, mais celle-ci abandonne le projet, ce qui le frustre profondément.
C’est donc sa maladie, et son écho public, qui lui permet d’exaucer ce vieux rêve. La Pudeur ou l’Impudeur s’attache à montrer une série de rituels, cadrés en longs plans fixes : la gymnastique matinale maladroite, où Guibert essaie de reproduire des mouvements simples (qu’il commente en voix off d’un bouleversant “Chaque jour, je perds un geste”) ; les rendez-vous chez son médecin ; les séances de kiné filmées comme une pietà ; les visites chez ses deux tantes, Suzanne et Louise, qui peuplaient déjà ses livres. Suzanne, 95 ans, est impotente. Il l’interroge non sans rudesse sur son désir de continuer à vivre. Lui-même songe au suicide et on sent bien que, devant cette vieille femme qu’il adore, il s’ébahit de son désir inentamé de poursuivre une lutte dont il n’y a pourtant plus grand-chose à attendre. “Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter, Suzanne, pour tes 95 ans ?” Mangeant à la becquée la bouillie que sa garde-malade lui tend, elle répond dans un spasme : “Je voudrais vivre encore un peu.”
Le film est magnifique, insoupçonnable de complaisance, jamais plaintif. A l’époque, certains ont accusé TF1 de voyeurisme, mais l’auteur était seul, et avait toute latitude pour choisir ce qu’il montrait. La stylisation extrême de l’écriture (chaque plan dit à quel point toute sa vie Guibert avait réfléchi au cinéma) invalide ce grief. Son oeuvre a contribué à remettre le sujet au centre des préoccupations littéraires. L’expression personnelle, la recomposition de sa biographie – genre que vingt ans de Nouveau Roman et de recherches formelles sur le langage avaient stigmatisé – revenaient sous la forme de l’autofiction. Si Guibert n’a jamais explicitement revendiqué l’autofiction, d’autres après lui (Angot, Carrère, Dustan…) s’en sont emparés.
Au cinéma, son oeuvre, pourtant réduite à un film, a ouvert une brèche. La Pudeur… anticipe la révolution des caméras numériques qui, à partir des années 1990, va créer une vogue du journal filmé et du cinéma à la première personne, d’Alain Cavalier à Jonathan Caouette. Deux déplacements de la parole qui se répondent, deux avancées connexes.

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gustavo di mario

Gustavo di Mario from Buenes Aires !



Le natif de Buenos Aires a déjà publié un livre sur le football en Argentine (Potrero) et il s'apprête à en consacrer un aux Gauchos, ces cowboys d'Amérique du Sud.