vendredi 13 novembre 2009

FEULLETON : L'INTERVIEW DE CHRISTOPHE HONORE PAR TELERAMA (3EME PARTIE) !


Est-ce une manière de revenir à l’écriture littéraire ? Vous disiez récemment éprouver certaines difficultés parce que vous vous êtes habitué à la « forme pauvre » du scénario.
Oui, j'aimerais vraiment réussir à terminer un roman. A le commencer, plutôt ! Je porte depuis longtemps un projet que je ne parviens pas à faire avancer et je me dis que ça serait bien de publier un roman, non pas en terme de « carrière », mais pour ne pas abandonner cette envie-là. Et le scénario, c’est vrai, est une forme pauvre qui détourne du roman. C’est tellement facile à écrire ! C'est vraiment en rédigeant un scénario qu’on se rend compte de ce qu’est la littérature. Pas une question de dialogue et d'histoire, mais de langue et de création. L’invention d’une écriture qui permet d'accéder à des émotions, à des états qu'a priori on ne maîtrise pas. La littérature est vraiment liée à l'inconscient, alors qu'un scénario, c'est de la pleine conscience.

Certains pensent pourtant que l’écriture d’un scénario revient à projeter son inconscient sur la page.
Je ne crois pas du tout. Dans l'écriture du scénario, on écrit des scènes à partir d'images qui nous viennent souvent inconsciemment mais qui ne sont pas formées par l’écriture. Elles nous arrivent et ensuite, on les décrit. Alors qu'en littérature c'est l'inverse, c'est vraiment l’écriture qui finit par faire naître et façonner des images. C'est pour cette raison qu’il est compliqué de passer de l’un à l’autre et de se remettre à l’écriture romanesque. On se sent facilement démuni. J’ai lu, cet été, le Journal de Joyce Carol Oates et ça m'a rassuré. Elle n'arrête pas de publier et, pourtant, elle explique qu'à chaque nouveau livre, elle passe trois mois sans parvenir à écrire. Puis, quand c'est lancé, en deux ou trois mois, c'est fait. C’est de l’ordre du blocage, il faut sauter le pas. J'ai devant moi près de 300 pages de notes et j’espère avoir fini au printemps. Le roman que je veux écrire débute en 1945. C'est une entreprise un peu particulière, quelque chose que je n'ai jamais fait, aborder une histoire intime et familiale qui commence à une autre époque que la mienne…

Ça ressemble au Ciel de Nantes, un film dont vous parlez depuis un certain temps?
Oui, c'est Le Ciel de Nantes que j’ai commencé à écrire après Ma Mère. Ce projet s’est toujours promené entre le cinéma et la littérature, mais je me rends compte que je n’arriverai sans doute jamais à en faire un film. J’ai écrit un scénario avec Gilles Taurand [qui a notamment collaboré avec André Téchiné et Robert Guédiguian, NDLR] et nous étions partis pour en tirer deux films de deux heures, voire peut être six épisodes d’une heure. Mais je n'aimais pas beaucoup le premier scénario que nous avions écrit et j'ai préféré en rester là. C’est une véritable saga et je me suis rendu compte qu'au cinéma, je ne savais pas faire ça. Pour le coup, c'est une matière vraiment romanesque. L’histoire de la famille de ma mère où il y avait dix enfants. Sa mère - ma grand-mère - était veuve de guerre, elle avait déjà deux enfants quand elle a eu une aventure avec un Espagnol dont elle est tombée enceinte. Ses parents l'ont forcé à l’épouser et elle a appris qu'il était déjà marié, mais il lui a quand même fait huit enfants. C'était un homme assez violent, compliqué, dont elle a divorcé après avoir marié sa dernière fille quand elle avait 65 ans.

C'est une famille très populaire d'un vieux quartier de Nantes, et j'ai toujours senti que c'était une famille un peu folle. Quand mon père a épousé ma mère, il a voulu l'éloigner d’eux en s'installant dans le centre de la Bretagne. Mais, à chaque fois qu'on allait à Nantes, c'était très excitant. J'avais l'impression qu'il se passait quelque chose dans ma vie. Ça me changeait du lotissement où nous habitions. Quand j'avais 12-13 ans, je rendais visite à ma grand-mère pour les vacances, et c’est dans cet environnement, à Nantes, que j'ai commencé à découvrir le cinéma. Ensuite, je me suis beaucoup détaché de ce versant de la famille parce qu'ils sont très toxiques. Et puis ma grand-mère a disparu.

“Je ne suis pas capable de faire un film
à quinze millions d'euros car je ne suis
pas capable de faire un million d'entrées.”

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