dimanche 7 décembre 2008

LET'S GET LOST


Visage pâle de la West Coast, voix de velours, voix de fumeur, Chet Baker a défrayé la scène jazz des années 1950. Avec son album 'Let's Get Lost', il devient l'un des plus brillants représentants du cool jazz, cette musique douce et nonchalante née en Californie, en marge de la frénésie be-bop new-yorkaise. Mais 'Let's Get Lost', c'est aussi cet incroyable film réalisé il y a vingt ans par le photographe et cinéaste Bruce Weber et tombé depuis dans l'oubli. Aujourd'hui restauré, il n'a rien perdu de sa force poétique et de son esthétique délicate. Grâce à un N&B d'une très grande intensité, Weber offre un portrait à la beauté ciselée. Aux confidences faussement innocentes du trompettiste, le réalisateur mêle les témoignages des musiciens, des amis et, surtout, des femmes qui ont croisé sa route. Dissimulé derrière une timidité crédule, Chet Baker se révèle en menteur récidiviste. Pris à témoin, le spectateur écoute les révélations sincères et authentiques, parfois acerbes, de ses ex-femmes et de ses enfants. Chacun à leur tour, ils avouent leurs regrets et leurs ressentiments, sans pouvoir pour autant se soustraire au manque causé par sa disparition, un jour de mai 1988. Une dimension humaine équivoque brillamment illustrée par des photos de William Claxton, sur lesquelles vient se poser la voix caressante de Baker. Mais aussi par des séquences musicales rarement diffusées, comme cet épisode cannois, où le trompettiste apostrophe un parterre de festivaliers blasphémateurs, incapables de respecter sa musique. On découvre enfin un Chet Baker jouant les acteurs dans des films de série B italiens. Romantique, musicien intuitif à la force subtile, ce géant du jazz apparaît également comme un parfait roublard, addict et dépressif. Sorte de carnet de voyage sur pellicule, 'Let's Get Lost' tisse un portrait sans concession d'un Chet Baker fragile et tourmenté. Insaisissable, presque irréel.
Let's get lost sort en DVD.

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