mercredi 8 avril 2009

CHERI, DE STEPHEN FREARS !

Adaptation du roman éponyme de Colette, Chéri scelle les retrouvailles de Stephen Frears et de son égérie Michelle Pfeiffer. Dans le Paris d’une Belle Époque finissante, les amours contrariées d’une courtisane d’âge mûr et d’un jeune homme bouleversent.
On les appelait les « grandes horizontales ». Jusqu’au XXème siècle, les courtisanes ont amassé des fortunes colossales. Recherchées par les grands de ce monde, ces femmes influentes vivaient en marge de la société. Moderne et affranchie, la belle Léa de Lonval a fait fructifier son patrimoine, loin des tourments de l’amour. Mais quand une consoeur la charge de l’éducation sentimentale de Chéri, son jeune fils, les plans de Léa basculent. Après six ans d’une relation complice, les amants doivent se séparer, à l’occasion du mariage de Chéri. Ils prennent alors conscience de la force de leurs sentiments. Chéri aurait pu s’intituler Les Liaisons dangereuses, le chefd’oeuvre de Frears dont il est le pendant mélancolique. Avec Christopher Hampton, de nouveau au scénario, et Michelle Pfeiffer, inoubliable Mme de Tourvel défaite par la passion, Chéri dessine la carte de l’amour quand il n’est pas tendre. Malgré son académisme, la forme élégante et subtile du film parvient à saisir la cruauté du temps qui passe. Chéri raconte autant l’histoire d’une courtisane qui vieillit que celle d’une actrice quadragénaire au miroir. Quand leurs charmes respectifs se fanent, leur carrière s’achève. Dans cet exercice risqué de mise à nu, Michelle Pfeiffer émeut. Prêtant sa beauté patinée à la caméra, elle habite son personnage de femme blessée mais digne. Face à elle, le jeune Chéri, interprété par Rupert Friend, lui renvoie sa jeunesse arrogante. Tout le film fonctionne sur ce système de reflets, jusqu’au plan final où Léa, face au miroir, regarde le spectateur droit dans les yeux. Frears nous rend témoins de son drame intime. Comme dans Les Liaisons dangereuses, où une Merteuil tombée en disgrâce révélait son visage sans fard. Frears ne passionne jamais autant que lorsqu’il fait du dévoilement des apparences le sujet de ses films.

_S.M.

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