dimanche 9 août 2009

JACK ET ELLIS, CHEZ HO EDITIONS....


L'Amérique profonde, le Wyoming. Deux cow-boys. Des mecs aux yeux verts, mâchoire carrée, peau mate et muscles d'acier. Ils s'appellent Jack et Ellis. Le premier a quitté New York pour trouver, sans se l'avouer au début, le mec de ses rêves. Il le trouvera en la personne du bel Ellis. En quelques mots, le pitch de Jack&Ellis. Au fil des pages, de nombreux rebondissements: chevauchées sauvages, braquages et chasse à l'homme sur fond de soleil couchant, de vapeurs d'alcool, de stetson et de santiags. Un côté déjà vu? Détrompez-vous! Et surtout, éviter de penser que ces pages ressemblent à Brokeback Mountain. Ça fâcherait Shabazz (photo)! Ses héros n'ont peur de rien, reviennent de tout. De trop loin peut-être. Et quand on croit que tout est fini, on nous annonce une suite. A découvrir, pour les amateurs du genre…

Comment est née l’idée de ce premier roman?
Il y a très longtemps. Peut-être vingt ou vingt-cinq ans. Le genre de fantasme qu'on déroule la nuit, tout juste avant de s'endormir. C’est la vision du film Brokeback Mountain qui m'a décidé à l'écrire. J'y fais d'ailleurs souvent allusion, plus par galéjade que par référence. Ce film fut vu principalement par des hétéros, d'où son succès mondial. Ce qui m'a décidé à mettre des mots et des phrases sur ce fantasme de midinette. Mais la vie et le rêve sont deux choses différentes.

Pourquoi un univers de cow-boy, à la limite du cliché? L’alcool, les bières, les chevaux, la moiteur, la drogue…
Il n'y a aucun cliché. Le Wyoming et toute l'Amérique dite profonde, ce fut ça en 1970/71, période où se déroule mon roman. Hélas, rien n'a bougé! Les cowboys et les bergers font toujours partie du «lumpenprolétariat» des USA. J'ai connu cette Amérique en stop, en 1971. De pauvres gars pintés, puant la transpiration, tentant d'oublier soir après soir, leur condition d'exploités, sans moufter. Aujourd'hui, leurs canassons crèvent, faute d'argent et d'herbe fraîche. Un cow-boy du Texas ne sera jamais un manadier de la Camargue ou un gaucho d'Argentine.

Comment décririez-vous Jack?
Il est un peu moi. Je suis premier prix de composition du Conservatoire Royal de Liège, et la pièce qui m'a permis de l'obtenir s'appelle bien Six chants pour l'anormalité. Mondeva fut bien ma femme, et le numéro de téléphone que je cite fut bien le sien à Singapour. Euryale Charlotte-Sophia est ma fille. Et aujourd'hui, je suis grand-père.

Et Ellis?
Oh, Ellis... C'est celui que nous attendons tous, accoudé au comptoir d'un quelconque bar gay du monde. C'est un pauvre gars, malmené par l'extrême libéralisme américain. Déconnecté du monde. C'est un pur hétéro qui va, par accident, aimer un homme étrange qui aime Stockhausen. Ce genre «d'accident» arrive plus souvent qu'on ne le pense.

Pour lequel de vos deux héros ressentez-vous le plus d’affinité? Et pourquoi?
Ellis! C'est un gars qui, comme le héros de A la Recherche du temps perdu, va découvrir l'art et la connaissance. Mais en accéléré. Un bon coup de Duchamp dans la gueule, rien de tel comme électrochoc pour un cow-boy. Au même titre qu’un Joseph Beuys (artiste d’Art contemporain allemand), Luigi Nono (compositeur italien de musique contemporaine), ou du romancier et cinéaste Alain Robbe-Grillet….

Votre roman illustre une certaine forme de violence physique. Pensez-vous qu’elle soit inhérente à l’homosexualité?
Certainement pas. Cette violence est inhérente au refus fondamental de millions d'hommes de par le monde d'accepter leurs pulsions gays ou bi. Et à l'extrême cruauté du monde hétéro-normatif d'imposer sa vision depuis des milliers d'années.

Votre approche de la sexualité est davantage évoquée par le fantasme que par une description précise. Pourquoi ce choix?
Le sexe entre hommes ou entre femmes, tout le monde connaît aujourd'hui. Ce n'est pas important! Surtout dans un roman. Si l'on veut du sexe, on va dans un sex-shop. Je ne veux pas écrire du porno. Le fantasme sera toujours la moutarde qui va avec le rumsteck. Du rêve. Et le rêve importe plus qu'une bite dans le cul. Je ne considère pas ce roman comme gay, mais comme universel.

Que répondez-vous à ceux qui comparent «Jack & Ellis» au «Secret de Brockebak Mountain»?
Qu'ils sont à côté de la plaque! Ce roman n'a rien à voir avec le film d'Ang Lee, même si des références, par amusement, émaillent mon texte. J'ai imaginé cette histoire il y a une éternité. C'est une histoire purement «Shabazzienne».

L’écriture a-t-elle été un moyen de vivre votre homosexualité, de matérialiser un «fantasme de cow-boy»?
J'ai vécu ma découverte de la gaytitude à 30 ans. En 1980. Ce fut une renaissance. Je n'ai jamais eu de fantasmes sur les cow-boys, ni sur leurs santiags. Je parle plus de sociologie, de politique. Là, Shabazz n'existe plus. «Jack» est un personnage créé de toutes pièces. Même s'il écrit de la musique stochastique markovienne.

Propos recueillis par Steve Ny tetu.com

Jack&Ellis, de Shabazz, H&O Editions, 2009, 288 p., 17 €.

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