mercredi 29 juillet 2009

l'HOMMAGE DES INROCKS AU GRAND CHOREGRAPHE, MERCE CUNNINGHAM !


Merce Cunningham a grandi entre un père avocat d'une ville modeste, sa manière à lui de plaider toutes les causes, et une mère habituée à disparaître de la maison, des échappées belles qui ont forcèment marquées ce jeune rêveur. Il y aura les premiers pas -de claquette!- puis la Cornish School of Performing Arts de Seattle, la rencontre avec Martha Graham, prêtresse du ballet moderne, et le coup de foudre pour New York : Merce Cunningham dévore tout, enrichit son inspiration au même titre que son interprétation.
La révolution culturelle américaine de l'après guerre bouillonne, il s'en délecte. Fait feu de tout bois, interroge son corps et ses prolongements dans une société qui se remet en cause. Le danseur animal au saut prodigieux prend enfin son envol : Cunningham a fait une rencontre, celle du musicien John Cage. Ils formeront dès lors LE couple de l'avant-garde Outre Atlantique. 1944, premiers solos, 1953, première compagnie fondée au Black Mountain College, formidable espace de liberté. Cage en est le directeur musical, le peintre Robert Rauschenberg, le conseiller artistique.
Toujours ce goût des échanges, cette ouverture sur d'autres arts -et d'autres mondes. En 1959, Merce Cunningham ouvre sa propre école à New York que nombre de jeunes pousses de la danse française viendront, un jour ou l'autre, fréquenter. En 1964, la compagnie présente son premier Event à Vienne, au Musée d'Art Contemporain : encore une contribution majeure, la danse dans d'autres lieux, une dé-construction chorégraphique et alléatoire. La même année, une partie du public du Théâtre de l'Est Parisien reçoit la compagnie Cunningham... avec tomates et œufs. "Heureusement nous étions assez agiles pour les éviter" dira bien plus tard Merce Cunningham sans rancune.
Entre temps, la modernité de Cunningham a trouvé la consécration. Merce Cunningham ne croit pas qu'il était en avance sur son temps, il préfère penser que le public a été un peu pris de vitesse. Jolie mentalité ou politesse exquise. Depuis Merce Cunningham filait le parfait amour avec la France, se sentait comme chez lui au Théâtre de la Ville, une dizaine de rendez-vous et autant de créations, à Montpellier Danse -où il donne Ocean, un chef d'œuvre démesuré- ou à la biennale du Val de Marne que sa compagnie a honoré cette année encore.
Avec presque 200 pièces à son compteur, dont certaines au répertoire d'autres compagnies (le Ballet de l'Opéra de Lyon par exemple), Merce Cunningham a travaillé toutes les facettes de son talent : pourtant en créant à partir du logiciel informatique Lifeforms, il a su à nouveau démultiplier ses points de vue chorégraphiques. Biped (1999) création de Cunningham avec les artistes digitaux Shelly Eshkar, Paul Kaiser est une réussite majeure. Le chorégraphe a toujours travaillé avec des artistes contemporains. Une évidence pour lui. "Si j'étais né à l'époque de Bach j'aurais écrit mes pas sur sa musique " nous confia t-il un jour. Mais comme il était de la génération Cage, c'est avec ce dernier qu'il fera un bout de chemin. Sans oublier les peintres Rauschenberg ou Jasper Johns.
Autre constante chez Cunningham : le hasard, à l'image de sa pièce Rondo. "Jeter les dés a quelque chose de merveilleux qui fait appel à l'imaginaire. Un quart de seconde plus tard, les dés sont de nouveaux immobiles, l'esprit lui toujours en mouvement. Essayez vous-même!" résumait le chorégraphe. Ces dernières années Radiohead et Sigur Ros, deux groupes parmi les plus influents de la scène musicale internationale actuelle, avaient croisé la trajectoire de Merce Cunningham en signant les musiques de Split Sides (2003).
En avril dernier, Merce Cunningham dévoilait Nearly Ninety, sa dernière pièce. Nous y étions. Dans la Brooklyn Academy of Music comble 4 jours durant, on retrouvait l'intelligence du maître : trio à la grâce irréelle, travail sur l'équilibre, grande transversale sur le plateau. Outre ses interprètes, la pièce réunissait son fidèle musicien Takehisa Kosugi, John Paul Jones et les quatre fantastiques de Sonic Youth pour un live explosif qui fit trembler les murs. On devrait découvrir ce programme à Paris au Théâtre de la Ville/Festival d'automne en décembre prochain.
Il y a quelques semaines, Merce Cunningham révélait les dispositions qu'il avait prises pour gérer ses créations après sa mort. Deux ans de tournée d'adieu, un fond budgétaire pour couvrir les salaires de ses danseurs, une fondation pour remonter certaines chorégraphies. Et un final à New York avec des places à 10 dollars! C'est dans son sommeil que Mister C s'est éteint. Lui qui n'avait cessé un seul instant de glorifier le mouvement nous laisse un héritage chorégraphique sans égal. On avait pleuré à cette matinée de la BAM de New York, Le 19 avril dernier. De joie. Aujourd'hui, nos larmes ne sont que de tristesse. Merci Merce.

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