mardi 24 février 2009

L'USINE A REVES,, DE FRANCOIS RIVIERE

Charles Dulac, bibliophile et misanthrope, vit dans ses souvenirs. Enfant-acteur dans une autre vie et héros d'une célèbre série télévisée, il ne garde de cette gloire éphémère que de vieilles bobines de Little Charlie detective. Replié dans sa villa du Sud de la France, recevant de rares visites, dont celles de Fu, le chat des voisins, et de Najat, sa femme de ménage, Charles découvre la lettre de Nilo Pharel, qui le réclame sur son lit de mort. C'est très étrange, car Charles et Nilo n'ont jamais entretenu de bons rapports, à cause du fantôme de Teddy. Ce dernier a été le meilleur ami de Charles, mais aussi son grand amour. Cela s'est passé lorsqu'ils n'étaient que des adolescents insouciants à Hollywood, c'étaient les années 50, tout était permis et Charles était à un tournant de sa vie. On ne sait pas bien ce qu'il s'est passé, et c'est d'ailleurs tout le propos du roman, de remonter le fil du temps, de rembobiner le film et revivre la jeunesse dorée de Little Charlie.

C'est un roman très précieux, où se dégagent le souffle d'une époque dorée et le train de vie d'une société qui n'existe plus que sur des clichés. Avant de débuter sa carrière d'acteur, Charles évolue dans un monde échappé d'un roman de Marcel Proust. Il est orphelin, élevé par sa Granny Maud, qui est une femme sèche et snob, avare de tendresse (et pourtant elle collectionne les amants, sans éveiller le moindre soupçon). En vacances sur la côte basque, il va rencontrer le couple anglais, Donnie et Axel Bliss. Elle est scénariste, a un coup de coeur pour le jeune garçon et décide d'en faire sa vedette en s'inspirant de lui pour écrire sa série à succès. C'est la voie royale, chacun en tire son profit et Little Charlie est un gamin naïf qui va connaître à l'adolescence de grands bouleversements.

Jusque là, j'ai bu du petit lait, tant j'ai apprécié le moindre détail rapporté dans l'histoire. Ce côté rétro, raffiné et guindé ne cessait de me plaire. Et puis on passe à l'atmosphère sulfureuse d'Hollywood, c'est totalement différent. Les personnages aussi évoluent, avec des zones d'ombre qui rendent les surfaces moins lisses et doucereuses. Ce n'est pas toujours glorieux, mais cela reste captivant. Le roman sait nous happer, ne délivrant qu'en bout de course le drame qui a broyé la vie de Charles Dulac et de ses proches. Le personnage central souffre peut-être d'une absence de charisme, recommandé pour apprécier une lecture, mais finalement le charme est ailleurs, dans la mélancolie, dans le secret, dans l'ambiance surannée. Cette usine à rêves a le don de nous embobiner... et j'aime infiniment François Rivière !

Robert Laffont, 2009 - 210 pages - 18€

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