dimanche 16 novembre 2008

RUE DE LA PEAU, DE NEIL BARTLET


Monsieur F. travaille dans une entreprise de fourrures, à Londres. Nous sommes en 1967. C’est un homme paisible, ordonné, maniaque... on pourrait dire ordinaire. Sa vie est un long fleuve tranquille, que rien ne saurait perturber... jusqu’à ce qu’un cauchemar récurrent vienne secouer sa vie ronronnante et l’oblige à adopter de nouveaux comportements...
Neil Bartlet excelle dans ce récit de la vie terriblement solitaire et routinière d’un quinquagénaire morne et sans histoire. Monsieur F. est désespérément seul, mais sans avoir conscience de cet état. Il s’est enfermé dans cette routine, par fatalité suppose t-on. Il a acquis une grande maîtrise dans son métier : la coupe et l’assemblage de fourrures et est respecté pour ses compétences. Sa vie professionnelle occupe la majeure partie de sa vie, pour ne pas dire la totalité. Il n’existe à priori que par et pour son métier. Notons que l’auteur décrit avec précision une activité traditionnelle, et ce quartier industrieux proche de la City, qui a depuis disparu C’est ce monde qui va disparaître qui sert de décor à l’intrigue, le monde suranné des ateliers de couture avec ses troupes de jeunes ouvrières "gardées" par une hiérarchie paternaliste.

Tout bascule dans la vie de Monsieur F. et par rebond dans son monde douillet et sécurisant, quand celui-ci est bouleversé par un cauchemar qui va se reproduire toutes les nuits : M. F. rentre chez lui et découvre dans son cabinet de toilette le cadavre d’un jeune homme brun, totalement nu, pendu par les pieds. L’existence de M. F. se fissure., car le cauchemar revient de façon de plus en plus précise si bien qu’il pénètre sa réalité et qu’il parvient à pénétrer dans ce rêve ... à la limite de la folie. Un malheur (ou un miracle) n’arrivant jamais seul, débarque dans l’atelier de fourrures le jeune neveu du patron, qui devient l’apprenti de M. F. Tout d’abord ignoré par le taciturne M. F., le jeune homme, à force de manigances, réussit à l’apprivoiser... jusqu’à ce que le paisible M. F. constate que le jeune homme ressemble étrangement à .... Fidèle à son inspiration déjà expérimentée avec talent dans ses deux précédents romans, proche de l’univers d’Oscar Wilde, Bartlett fait aussi référence au conte La Belle et la Bête, qui a été lu pendant son enfance par un père qui a oublié de terminer l’histoire.... à M. F. de l’inventer !

Neil Bartlet se révèle comme un orfèvre du détail, des choses anodines de l’intimité, et de la folie qui s’empare progressivement d’un homme très effacé, qui devient un monstre !

Extrait : "En réalité, cette image de solitaire, Monsieur F. l’avait toujours eu. Enfant, l’explication avait été des plus évidentes et les voisines aimaient à revenir sans cesse sur le fait qu’il n’était pas aussi exubérant que ses frères. Bien-sûr, vous savez, ce petit n’a jamais connu sa mère..."