jeudi 6 novembre 2008

PRIX MEDICIS DU ROMAN ETRANGER : UN GARCON PARFAIT !


Ernest travaille dans le restaurant d’un palace à Giessbach, en Suisse. C’est un garçon parfait, aussi strict dans le travail que dans la vie. Mais cette dignité imperturbable cache la blessure jamais guérie de la violente passion qu’il a vouée à Jacob, un garçon parfait comme lui, Jacob qui l’a abandonné pour suivre en Amérique Julius Klinger, le grand écrivain allemand. Cela se passait en 1933, avant la deuxième guerre mondiale.

Ce beau roman qui n'est pas sans rappeler par le thème et l'écriture Stephan Zweig, nous entraîne sur deux époques : en 1960 et en 1935 environ, période trouble, qui trahit l’anxiété de la tempête qui va survenir. Dans un décor de rêve - un palace au milieu des montagnes suisses - se retrouve la Haute Bourgeoisie internationale pour un repos bien mérité ! Là, entre luxe et volupté, vit aussi dans l’ombre toute une armée de serviteurs, cuisiniers, femmes de chambre... qui se fondent dans le décor, même si, de temps en temps, ces deux mondes étrangers se rencontrent brièvement... C’est ici que travaille Ernest, un jeune homme un peu servile, profondément honnête, qui fait son travail consciencieusement. Jusqu’à ce que débarque Jacob, garçon sublime de son âge, mais plus tortueux. Sûr de son charme, Jacob fait succomber Ernest et parvient rapidement à être le favori des serveurs. Ils vivent une passion physique quand ils ne travaillent pas, jusqu’à ce que Jacob séduise Julius Klinger, un célèbre écrivain qui séjourne à l’hôtel avec femme et enfants. L’écrivain va engager Jacob comme secrétaire particulier et l’emmener loin d’Ernest, à New-York. 30 ans après, la blessure n’est pas cicatrisée pour Ernest, qui retrouve l’écrivain... Sulzer rend palpable la peur obscure qui hante ces salons trop rassurants et tisse avec subtilité les fils des drames intimes et ceux de la tragédie historique. Il faudra la fin de la guerre et le retour d’exil de Klinger pour que s’affrontent deux mémoires dans l’ultime combat d’une rivalité amoureuse. C’est ce qui prête au roman une tension dramatique qui va crescendo et tient jusqu’au bout le lecteur en haleine. L’anbiance générale du livre et la cruauté de la passion vécue par le personnage principal peuvent faire penser également au cultissimme Mort à Venise, de Thomas Mann.


Extrait :
Peu après que Klinger eut quitté la pièce, Ernest s’en alla à son tour, en disant peut-être, j’ai besoin d’air car il lui fallait réellement de l’air, mais il ne s’en souvenait pas. Quant à Jacob, il avait gardé le silence , il n’essaya pas de trouver des mots pour expliquer son comportement, celui-ci s’expliquait de lui-même.

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