vendredi 26 février 2010

Interview de Tom Ford sur les Inrocks.com !


Le film est l’adaptation d’une nouvelle de Christopher Isherwood. Qu’est-ce qui vous a touché dans ce texte ?
J’ai découvert ce livre à 20 ans. J’ai tout de suite adoré l’histoire, et particulièrement le personnage de George, dont le livre est en fait le monologue intérieur. Peu après l’avoir lu, j’ai rencontré Isherwood et suis devenu obsédé de son œuvre. Il y a cinq ans, alors que je quittais Gucci et Saint Laurent, l’envie de réaliser un film s’est imposée à moi. J’avais plusieurs idées, posé des options sur certains livres, mais aucun ne correspondait vraiment au film que je voulais faire. Et étrangement, le personnage de George est revenu me hanter. Je traversais moi-même une crise semblable à celle de George. Je ne savais pas ce que je deviendrais, ce que j’avais à dire, j’étais perdu. Le sujet de la nouvelle m’a alors bouleversé : l’histoire d’un homme qui vit dans le passé. La beauté du monde qui lui apparaît progressivement comme une sorte d’épiphanie, au travers des petits riens qu’une journée peut offrir. J’ai donc adapté cette nouvelle en y ajoutant l’élément du suicide. Quel meilleur moyen en effet d’apprécier une journée quand on sait que c’est la dernière ?
L’une des thématiques du film est celle du deuil. Est-ce un sujet qui vous est cher ?
Rien ne dure, que ce soit notre vie, les choses, notre visage (rires)... Ayant grandi au début des années 1980, j’ai vu bon nombre de mes très bons amis mourir du sida. Le deuil fait partie intégrante de ma vie. Il est ici abordé par le personnage de George, qui ne se remet pas de la mort de son compagnon, mais aussi par celui qu’interprète Julianne Moore, qui voit sa beauté se faner peu à peu et doit faire le deuil de la femme magnifique qu’elle a été.
A Single Man cite Alfred Hitchcock ou Wong Kar-wai. Quelles sont vos références cinématographiques ?
Alfred Hitchcock est sans conteste l’un de mes réali­sateurs préférés, comme Stanley Kubrick, Michelangelo Antonioni, George Cukor ou Vittorio De Sica. Aujourd’hui, des cinéastes comme Julian Schnabel ou Mel Gibson me fascinent. J’ai trouvé Apocalypto époustouflant et déplore qu’il soit si sous-estimé.
La campagne promotionnelle du film aux Etats-Unis a été très critiquée, accusée notamment d’être ambiguë sur le caractère homosexuel de cette histoire d’amour. Cela vous a-t-il agacé ?
Enormément. Vous savez, la culture américaine reste encore incroyablement puritaine. Nous avons été forcés de supprimer le baiser entre hommes de la bande-annonce car il est considéré aux Etats-Unis comme “pornographique”. L’affiche du film, également ambiguë, semblait sous-entendre une histoire d’amour entre Julianne Moore et Colin Firth. C’était en fait un coup marketing, qui induisait que ce film montrerait deux stars au meilleur de leur art. Heureusement, ici, la campagne est beaucoup plus lisible : vous appelez un chat un chat et il n’y a aucun doute sur ce que raconte cette histoire.
La mode vous enthousiasme-t-elle autant qu’avant ?
Le matérialisme pour moi n’est pas une mauvaise chose, nous sommes tous des êtres matériels, “living in a material world” ! J’aborde aujourd’hui la mode – notamment dans la préparation de ma collection pour femmes – de manière totalement différente. Je n’étais pas frustré lorsque je travaillais chez Gucci, mais il me semblait que j’avais atteint les limites de mon discours. Cela dit, la mode me passionne toujours autant. Je reste émerveillé des collections de Nicolas Ghesquière pour Balenciaga ou Jean Paul Gaultier. Il aurait fait un bien meilleur travail que moi chez Saint Laurent !

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