mercredi 17 juin 2009

MARIANNE FAITFHULL A PARIS !


Alors qu'elle donne deux concerts à la Cité de la Musique de Paris les 17 et 18 juin, Marianne Faitfhull revient sur son dernier album et sur son parcours d'égérierock.
Créé le 16 juin 2009- par Géraldine SarratiaAjouter un commentaire Agrandir la taille du texte Réduire la taille du texte Imprimer Envoyer à un ami
Les titres qui figurent sur votre nouvel album, Easy Come, Easy Go sont très éclectiques : vieilles chansons, classiques, groupes plus récents… C’est la musiqueque j’aime écouter. J’adore ces chansons. Je ne connaissais pas les jeunes groupes. C’était le choix de mon producteur Hal Willner, et je pense qu’il a pris de très bonnes décisions. Comme pour le titre de Black Rebel Motorcycle Club, par exemple.
Avez-vous choisi la majorité des autres titres ?
Oui : Down from Dover, Solitude, Easy Come Easy Go, Sing Me Back Home, Somewhere, Many a Mile to Freedom et Black Coffee. Nous avions déjà réfléchi tous les deux aux chansons que nous voulions depuis longtemps. Nous souhaitions réunir une très large palette de styles. Cette idée me plaisait.
Est-ce que Solitude, par exemple, était difficile à interpréter après Billie Holiday?
Je ne vous dirai pas le contraire. J’ai dû travailler très dur chez moi avant l’enregistrement à New York. Solitude était un véritable défi. A force de travailler sur les chansons, un processus très instinctif se met en place et je commence à les assimiler et à me les approprier. Je refuse de reproduire ce que font les autres.
Quand vous dites que c’est un défi, vous arrive-t-il d’être impressionnée par certaines chansons ?
Bien sûr, je suis une fan à l’état pur. Je suis très impressionnée. J’ai dû rester prudente, avec Black Coffee par exemple. Je n’ai pas écouté la version d’Ella Fitzgerald, car j’aurais été submergée. Elle est tellement géniale. Elle donne tout. J’ai donc écouté la version de Bobby Darin.
Y’a-t-il un bon moment dans la vie pour chanter certaines chansons ?
Oui, je pense que c’était vraiment le bon moment pour la plupart des chansons de cet album. Pendant longtemps, j’ai pensé qu’il était préférable que j’écrive mes propres textes. C’est ce que j’ai fait pendant des années. Mais cette fois-ci, je n’en avais pas envie. J’en avais assez de mes propres créations. Ce n’est pas intéressant de ne jamais regarder ailleurs. J’ai donc trouvé des chansons d’autres artistes qui expriment ce que je ressens. C’était une expérience très agréable.
Il y a beaucoup d’invités sur votre album : Antony Hegarty, Sean Lennon, Rufus Wainwright, Teddy Thompson. Antony et Rufus, par exemple, appartiennent à la nouvelle génération. Est-ce que c’était important pour vous de chanter avec eux ?
Je ne l’avais pas vraiment planifié. Cela s’est fait comme ça. Hal les connaît, mais moi aussi. C’était une très bonne idée. C’est toujours une bonne idée de demander à quelqu’un de m’accompagner, car j’ai une voix très étrange. Ce sont tous d’excellents chanteurs. J’ai adoré chanter avec Keith Richards, aussi. C’était un moment unique. Nous avons perdu tant de nos amis. Nous sommes encore en vie et nous parvenons à faire quelque chose de bien. Je suis ravie.
Même si vous n’aviez rien planifié, est-ce que c’est important pour vous de rester en contact avec la nouvelle génération ?
Tout à fait. J’étais allée voir Antony Hegarty en concert il y a quelque temps et c’était merveilleux. C’était régénérant. C’était comme boire un grand verre d’eau fraîche.
Vous êtes toujours une icône ?
J’essaie de ne pas penser à ça, ça me dérange. Ce sont mes amis, c’est tout.
Je pense que c’est un peu ridicule de croire en sa propre légende. Je préfère ne pas m’étendre là-dessus en général, même si je sais que ça existe. Madonna croit en sa propre légende, par exemple. Cela ne me correspond pas. Elle en fait trop. Elle doit penser qu’elle vaut mieux que tout le monde, qu’elle incarne une sorte d’être sacré. Certaines grandes stars se laissent emporter par la religion : « Vous êtes l’élu, vous avez été choisi pour faire ce travail ». Quelle horreur ! Je préfère rester à ma place.
Avez-vous enregistré la plupart des morceaux en une seule prise, comme à votre habitude ?
Non, seulement Solitude. Les autres en deux à quatre prises. Nous avons travaillé très dur, nous avons enregistré trois chansons par jour.
Est-ce que c’était un enregistrement live ?
Plus ou moins. Mais j’ai dû refaire une ou deux chansons. J’ai commencé à tomber malade à New York. J’ai passé Noël couchée à regarder des DVDs. Le dernier jour de l’enregistrement, j’avais la voix très fatiguée. Nous avons donc réenregistré Black Coffee à Paris. Mais tout le reste a été enregistré en live. Cela donne une énergie hors du commun.
ur le DVD qui accompagne l’album, vous dites que votre grand-mère vous a emmenée voir West Side Story quand vous aviez 8 ans…
Je crois que c’est ce jour-là que j’ai décidé de travailler dans la musique ou le théâtre. C’était tellement magique. Je suis tombée amoureuse de cet univers. J’ai adoré cette idée de réunion entre la scène et tout ce qui se passe derrière.
Vous avez commencé par la musique pop. Quelle a été la réaction de votre famille ?
Ils n’étaient pas impressionnés du tout. Des années plus tard, après la mort de mon père, j’ai découvert qu’il avait constitué de merveilleux albums avec des tonnes de coupures de journaux. Tout ce que j’ai fait dans ma vie se trouve dans ces albums. Mais si je ne me trompe pas, je pense que ce que mon cher père aimait vraiment, c’est que grâce à moi, son nom était devenu célèbre.
Quand vous étiez enfant, saviez-vous que votre père était un agent secret ?
Non, je ne l’ai su que plus tard. Et c’était très difficile de faire parler mes parents. Ils ne voulaient pas aborder le sujet. Quand on est agent secret, on doit se taire.
Pourquoi avez-vous été attirée par la musique pop ?
Je ne l’ai pas été. J’ai été découverte. Je n’envisageais pas les choses comme ça. Je voulais faire de la comédie musicale au départ. Je voulais faire des études avant de me lancer. J’ai sauté cette étape, et c’est quelque chose que je regrette. Je me suis instruite toute seule en matière de théâtre, de musique, de cinéma. Mais j’aurais adoré aller à l’université.
Dans vos mémoires, vous parlez de votre mère et de votre volonté de prouver votre identité à tout prix.
J’aimais profondément ma mère. Mais avec le recul que j’ai maintenant, je me rends compte qu’elle était assez narcissique et que j’étais une sorte d’extension d’elle-même. J’avais besoin de me distinguer, et c’est ce que j’ai fait.
Pensez-vous que la musique pop et le fait de devenir une chanteuse a joué un rôle dans cette séparation ?
Oui, car c’était totalement inconnu pour ma mère. Elle ne comprenait pas. C’était tout nouveau, pour tout le monde d’ailleurs.
Dans votre livre, vous dites avoir été très surprise de la façon dont les années 1960 sont devenues historiques.
J’étais très jeune et je ne réfléchissais pas à l’époque. Je ne me doutais pas que les gens seraient aussi fascinés par la suite. J’aurais dû. Il y a tant de musiciens qui ont fait des disques extraordinaires. C’était une époque très intéressante, bien sûr. Et comme c’est un univers assez restreint, nous nous connaissions tous.
Mais vous préfériez malgré tout les années 1950 ?
C’est vrai. Le début des années 1950, surtout. Les habits, la musique. Ce n’étaitpas aussi rigide que certains le pensent. Si les années Eisenhower n’étaient pas des plus amusantes, il y avait à côté un véritable mouvement alternatif, avec Lenny Bruce, Coltrane, Miles Davis…. Ce que j’aimais dans les années 1960, cependant, c’était leur côté obscur.
Vous écrivez aussi que vous aviez hâte de grandir
Je pensais qu’être adulte se résumait à fumer, boire et faire l’amour. Je voyais ça d’un œil extérieur. Il m’a fallu du temps pour devenir adulte. Ce n’est que récemment que j’ai gagné en maturité.
Que pensez-vous de l’époque actuelle en termes de créativité ?
Je sais qu’il y a beaucoup d’artistes intéressants, qui sont presque tous sur mon album d’ailleurs (rires). Mais dans l’ensemble, je trouve que la culture de masse est quelque chose d’horrible. Cela a toujours été comme ça, cependant. Il y avait beaucoup de déchets aussi dans les années 1960.
Avez-vous des projets cinématographiques ?
Non, je n’arrive pas à faire plusieurs choses en même temps. Mais peut-être que si on me proposait un rôle vraiment extraordinaire, je l’accepterais.
Lorsque vous regardez en arrière aujourd’hui, que pensez-vous de votre vie ?
Je crois que j’ai eu une très belle vie jusqu’à présent. J’espère qu’elle va durer le plus longtemps possible. J’adore ma vie.
Et est-ce que vous vous aimez ?
Un peu plus qu’avant. C’est une question difficile. Mais je crois que ma confiance en moi s’améliore progressivement. Je ne pourrai jamais dire « Je m’adore ». Mais j’ai au moins envie d’entretenir une bonne relation avec moi-même.
Que pensez-vous que Marianne Faithfull ferait si elle avait pile 20 ans aujourd’hui ?
Je ne sais pas si je pourrais refaire ce que j’ai fait. J’ai vraiment eu beaucoup de chance !

Traduction : Béatrice Catanese

(*) Mémoires, rêves et réflexions. Editions Bourgois, mai 2008.
les Inrocks

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