mardi 16 juin 2009

LES GARCONS DE LA PISCINE, DE LOUIS DUPONT !


«Les Garçons de la Piscine» sortent mardi en DVD. Nous sommes allés à la rencontre de Louis Dupont, réalisateur et auteur de ce documentaire exaltant sur une discipline méconnue: la natation synchronisée masculine.
Avec un titre pareil, on pense tout de suite à des corps musclés et à des petits slips de bain moulants. Mais Les Garçons de la piscine, c'est bien plus que ça. Avec le souci des plans toujours impeccables, sur un fond musical soigné, ce documentaire retrace le quotidien de Fabrice, Jean-Philippe et Tom, trois athlètes gays, accros à la nation synchronisée, une discipline habituellement considérée comme exclusivement féminine. Au bout du compte, ce récit nous plonge au cœur d'une belle histoire de confiance et de passion entre les trois nageurs et leurs coaches Hélène et Isabelle, depuis les entraînements à Paris jusqu'aux EuroGames de Barcelone de l'été 2008. Retour sur les coulisses de ce tournage.
TÊTU: Pourquoi avoir fait le choix de faire ce film sur la natation synchronisée masculine ?
Louis Dupont: Cela faisait longtemps que j'en avais envie. Il faut savoir que j'ai un peu pratiqué la natation synchronisée en 1998, au tout début de la section natation synchronisée de Paris Aquatique. A l'époque j'avais été impressionné par la performance sportive des garçons. Ce film est une sorte de témoignage que je laisse. De plus il était intéressant pour une fois de traiter d'une discipline dans laquelle on ne pense pas à y trouver des hommes. Cela me permettait d'aborder la discrimination sous toutes ses formes, qu'elle soit physique, sexuelle, par l'âge, etc.

«Les Garçons de la Piscine» est aussi un excellent moyen de réflechir sur la représentation du corps. Le sport est lié aussi à l'histoire de ma famille. Mon grand-père avait été footballeur international et entraîneur de l'équipe de France avant d'être un artiste sculpteur. Le culte du corps, de son bien être et sa représentation font donc aussi partie de ma culture familiale. Il fallait que je fasse un film sur le corps et le sport - ici la natation - en liant ces deux champs à travers l'art cinématographique.

À regarder ta filmographie, la thématique du corps masculin revient sans cesse. Pourquoi un tel intérêt?
D'abord par cet héritage artistique et culturel familial dont je viens de parler. Ensuite je pense que dans dans une société où le corps est souvent confiné à un objet esthétique, il est important de mener une réflexion sur ce thème : c'est à travers nos sens, et donc notre corps, que nous sentons, désirons, agissons, exprimons et créons ! En tant qu'homosexuel j'ai eu du mal à trouver pour mon corps, confronté à des difficultés d'orientation sexuelle, une place dans la société. C'est la même chose dans mon travail de réalisateur : je me pose toujours la question de la place du corps dans l'architecture de mes plans.

C'est vrai aussi qu'ado je dessinais les corps des garçons que je désirais et je punaisais les dessins sur le mur de ma chambre. C'est devenu une obsession lorsque j'ai travaillé à Nice, dans une structure associative avec de jeunes prostitués masculins. J'ai découvert des garçons qui prenaient conscience de leur existence à travers le désir qu'ils entraînaient chez les autres et d'autres - très beaux - qui tentaient de se salir et s'auto-détruire à travers la prostitution. C'est quand j'ai perdu un de ces jeunes qui faisait partie de l'atelier artistique que j'animais que je me suis vraiment posé la question du beau et celle du langage du corps.

J'ai donc commencé par traiter au début mes angoisses nées de cette confrontation avec les jeunes prostitués et leurs corps salis à travers de courts films expérimentaux. Dans Les souffrances en 2000 j'ai filmé le narcissisme d'un jeune prostitué qui se fait agresser avant de trouver une forme de rédemption dans son travail. Dans Les Garçons de la plage, réalisé en 2004, lors de la canicule mémorable, je met en scène de jeunes hommes, paradant sur le front de mer de stations balnéaires du nord de la France. Le film suggère bien à travers le montage et la bande son l'angoisse latente générée par la fragilité des corps. Dans d'autres films je confronte le corps à la maladie (Paul ou le curieux compagnon, 1998), à la mémoire (Memosium, 2002), puis au langage (Bouche-à-bouche, 2006) et à la religion (A est grand, 2005). Si mes films s'apparentent parfois à des rites de conjuration, au fond c'est bien cette fragilité qui m'intéresse et me touche.
Comment as-tu rencontré les 3 nageurs ?
C'est par un ami membre de Paris Aquatique que j'ai rencontré Tom. J'ai ensuite fait la connaissance au cours de ses entraînements de ses acolytes, Jean-Philippe et Fabrice et aussi d'Isabelle Girault et d'Hélène Martin, leurs entraineurs. Outre leur travail et leur performance, c'est leur complicité qui m'a touché.
Comment les as-tu amenés à se livrer face à ta caméra, lors des entrainements et dans leur intimité?
Je me suis inséré peu à peu dans leur quotidien en les filmant tout d'abord à l'entraînement pour trouver mon point de vue et mon esthétique puis dans leur intimité en les interrogeant sur leur parcours. Ils m'ont très rapidement accepté dans leur univers tout au long des mois de tournage, tellement que je crois même qu'il leur arrive de regretter maintenant mon absence !
Les responsables et membres du Club Paris Aquatique m'ont énormément facilité la tache par leur accueil et leur aide pendant le tournage. Sincèrement je me sens bien avec eux et je comprends ce que peuvent apporter ces structures aux homosexuels et aussi aux autres (car ces clubs sont ouvert à tous) : l'épanouissement libre.
Pourquoi privilégies-tu le docu à la fiction dans ta démarche cinématographique?
Je n'aime pas les classifications ni les étiquettes. Je travaille d'une manière assez libre. mes films se construisent autour d'un axe libertaire. Je suis un filmeur, et je filme généralement ce qui me touche. la plupart de mes films sont souvent des actes spontanés. Ils s'apparentent donc à des documentaires.
La fiction entraîne souvent un processus de fabrication quasi commerciale et un développement lourd et parfois long, alors que j'aime que les choses m'échappent au niveau de la forme et du fond. Je trouve qu'une scène réglée est une scène morte. Chaque accident révèle toujours une part de poésie qui me touche. Même si j'admets que certains peuvent avoir du mal à s'y retrouver, je suis très à l'écoute de ces moments là et ils peuvent m'imposer la facture du film. Mon corps est aussi un éléments important de mon filmage : je travaille toujours caméra à l'épaule et mon corps participe activement au mouvement de la caméra. Je fais "corps" avec ma caméra donc !
Et pour «Les Garçons de la Piscine», comment t'y es-tu pris? Pour les plans dans l'eau par exemple?
Pour «Les Garçons de la Piscine», c'est un peu différent. Cette fois-ci j'ai travaillé en étroite relation avec mon producteur Corentin Sénéchal. Pour certain plans subaquatiques j'ai demandé l'aide d'un plongeur, Serge Hubert. Nos trois partenaires financiers sont le ministère de la santé et des sports, la fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent et Daniel Chabannes de Sars d'Epicentre films. Même s'ils m'ont laissé une entière liberté de réalisation, j'avais un message à faire passer et je tenais à ce que le film soit lisible par le maximum de monde.
Je tenais à partager le parcours de ces trois garçons attachants et épanouis, et la passion de leurs entraîneuses, l'importance du tissu associatif sportif gay et lesbien et son ouverture. Je voulais pour ce premier grand documentaire (à ma connaissance) sur le sport et les homos une image décomplexée des gays. J'ai donc répondu à certaines contraintes narratives classiques tout en n'abdiquant pas évidemment ma propre signature pour faire passer un message fort. Et je pense que cela a fait beaucoup de bien à mon cinéma ...
D'abord comédien, puis enseignant d'art dramatique à Nice, Louis Dupont a commencé en 1997 une carrière de réalisateur spécialisé dans le super-8, fortement orientée vers le cinéma expérimental. Les Garçons de la piscine sont dans la lignée de deux de ses précédentes œuvres, Les Garçons de la Plage (2004) et les Pin'Up Boys (2007), également disponibles en DVD (Les Films de l'Ange).

tetu.com

Aucun commentaire: